Alain Juppé a décidé de « mettre la gomme », selon sa propre expression. Et pour renverser l'arithmétique, il pilonne François Fillon. Il a d'abord mis en doute la faisabilité de son programme économique, qualifié de « brutal » - notamment la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires.
Mais le maire de Bordeaux l'attaque maintenant sur ses positions sociétales aussi. Alain Juppé s'est ainsi fait un plaisir, ce mardi sur Europe 1, de rappeler quelques positions partagées par certains des soutiens de son adversaire sarthois, issus notamment du mouvement contre le mariage et l'adoption par les couples homosexuels.
« François Fillon a le soutien de Sens commun, un mouvement politique qui a des positions extrêmement conservatrices et extrêmement traditionalistes », a fait remarquer M. Juppé, ajoutant : « Il y a des points sur lesquels, moi, j'aimerais bien que François Fillon clarifie sa position. »
En cause : de possibles changements de position sur le droit à l'avortement et la loi Veil de 1975 : « Par exemple, sur l'avortement, l'interruption volontaire de grossesse (IVG, NDLR), il a commencé par dire dans son livre que c'était un droit fondamental de la femme. Et puis, il est revenu sur cette déclaration dans un débat qu'il a eu devant un certain nombre de ses supporters. »
M. Juppé fait référence à des propos tenus le 22 juin en meeting : « J'ai écrit, dans mon livre, que l'avortement était un droit fondamental, avait affirmé M. Fillon. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire, c'est que c'est un droit sur lequel personne ne reviendra. » « Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l'avortement », précisait le candidat, qui est catholique.
« Jamais je n'aurais pu penser que mon ami Alain Juppé tombe aussi bas »
Sa position subtile, François Fillon l'avait explicitée dans L'Emission politique de France 2 le 27 octobre dernier : « Jamais personne, et certainement pas moi, ne reviendra sur l'avortement. Je n'ai pas à m'expliquer sur mes convictions religieuses. Je suis capable de faire une différence entre ces convictions et l'intérêt général. Je considère que l'intérêt général, ce n'est pas de rouvrir ce débat. »
Ce mardi, face à cette interpellation d'Alain Juppé sur un sujet sensible, le nouveau favori de la primaire de la droite et du centre a donc dû re-expliquer sa position. Et a décidé de contre-attaquer, n'y allant pas de main morte non plus. « Jamais je n'aurais pu penser que mon ami Alain Juppé tombe aussi bas », a-t-il asséné, dans cette bataille entre anciens Premiers ministres.
« Ça fait 30 ans que je suis parlementaire. Est-ce qu'une seule fois, j'ai pris une position contre l'avortement ? Une seule fois ? Est-ce que vous avez vu une seule fois dans un programme de François Fillon des propos concernant le retour sur la loi Veil ? Jamais ! Voilà... Alors, que la campagne reprenne sa dignité », a lancé M. Fillon.
Et de conclure : « Qu'on cesse des polémiques qui sont inqualifiables et qui, franchement, abaissent le niveau. » Avant de dérouler le programme : François Fillon sera en effet à Lyon ce mardi soir pour une réunion publique, soucieux pour sa part de montrer les muscles et, en l'occurrence, les nouveaux soutiens qu'il a engrangés.
Après le premier tour, Bruno Le Maire l'a rejoint. Il sera là. Les anciens sarkozystes et ceux qui se sont ralliés après l'annonce de sa première place seront tous là aussi. Alain Juppé sera pour sa part à Toulouse, avec le soutien de Nathalie Kosciusko-Morizet. A eux deux, ils totalisaient un peu plus de 30 % des suffrages du premier tour.
De son côté, Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien-démocrate (PCD), a apporté son soutien à François Fillon pour le second tour de la primaire. Le député des Yvelines a obtenu 1,5% des voix au premier tour
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