A la Une: duel à droite

Fillon contre Juppé : c'est donc l'affiche du second tour de la primaire de la droite. On saura dimanche prochain qui des deux sera officiellement le candidat de la droite à la présidentielle de l'année prochaine. Et les couteaux sont déjà tirés...

« Primaire : le débat se crispe avant le second tour » constate Le Figaro en première page. « Après le coup de tonnerre du premier tour, la bataille finale a commencé entre François Fillon et Alain Juppé. Désormais favori du second tour de la primaire, François Fillon enregistre de nombreux ralliements, notamment ceux des sarkozystes. De leur côté, les juppéistes épluchent le programme de l'ancien premier ministre et assurent qu'il est "irréaliste". Ils dénoncent notamment ses coupes prévues dans les effectifs de la fonction publique ou encore sa position vis-à-vis du président russe, Vladimir Poutine. »

Commentaire du Figaro : attention aux mauvaises querelles ! « Alain Juppé et François Fillon, d’accord sur l’essentiel (35 heures, retraite, TVA), différent essentiellement sur un point. Le premier entend réduire en cinq ans les effectifs de la fonction publique de 300.000, le second de 500.000. Y a-t-il dans cette différence de chiffres matière à instruire un procès en "ultralibéralisme" au député de Paris ? Comme le font les socialistes… (…) Le "peuple de droite" qui s’est levé en masse dimanche pour voter en faveur de tel ou tel ne souhaite pas que les camps en présence s’échangent les arguments favoris de François Hollande, Manuel Valls ou Jean-Christophe Cambadélis. Il connaît par cœur cette dérisoire rengaine du "Au secours, la droite revient" que la gauche entonne lorsqu’elle tente de sauver les meubles. Il serait paradoxal, et à vrai dire assez désespérant, qu’elle soit entonnée aujourd’hui par la droite contre la droite… »

Une droite et deux projets

Non, rétorque Libération, il y a de grandes différences entre les programmes des deux finalistes de la primaire. Et pour le quotidien de gauche, il ne fait aucun doute que le plus droitier des deux est François Fillon. François Fillon caricaturé à la Une du journal, avec la coiffure et les boucles d’oreilles de Margaret Thatcher… Et ce titre, « Moi, président… »

Et Libération de décrire « la France selon Fillon : suppression des 35 heures et de l’ISF, coupes dans la fonction publique, détricotages des lois Taubira, rétablissement de la double-peine… (…) Bonjour tristesse…, soupire Libération. La droitisation de la droite a trouvé son chevalier à la triste figure. C’est vrai en matière économique et sociale, tant François Fillon en rajoute dans la rupture libérale, décidé à démolir une bonne part de l’héritage de la Libération et du Conseil national de la Résistance. (…) C’est encore plus net dans le domaine sociétal, souligne Libération, où ce chrétien enraciné a passé une alliance avec les illuminés de la "manif pour tous". Il y a désormais en France un catholicisme politique, activiste et agressif, conclut le journal, qui fait pendant à l’islam politique. Le révérend père Fillon s’en fait le prêcheur mélancolique. D’ici à ce qu’il devienne une sorte de Tariq Ramadan des sacristies, il n’y a qu’un pas. »

Il y a bien « une droite et deux projets », constate La Croix en Une. « Les termes de l’échange sont prévisibles. "Ceux qui disent qu’on peut redonner de l’espérance avec des tisanes sont des bonimenteurs", avait déclaré au printemps François Fillon. "Attention à l’excès de vodka", avait rétorqué Alain Juppé fin septembre, nuançant aussitôt : "Ou à tous les alcools forts". Au-delà des piques, il y a là un véritable enjeu pour la nation, pointe encore le quotidien catholique. L’homme de la Sarthe envisage pour la France un véritable choc libéral. Le maire de Bordeaux, sans doute instruit par son échec de 1995, estime préférable une approche moins radicale. Voilà le cœur d’un vrai et beau débat. »

En effet, renchérit Le Monde, «  c’est tout le mérite de cette primaire de permettre désormais un choix réfléchi entre deux philosophies : droite thatchérienne contre droite chiraquienne. Le second tour se jouera projet contre projet, débarrassé des emballements dont Nicolas Sarkozy avait fait son arme favorite. A cet égard, c’est une bonne nouvelle pour le débat démocratique. »

Ouverture des hostilités

Et le débat a déjà commencé… Dans Le Parisien, François Fillon ouvre le feu : « Alain Juppé a présenté un programme qui me semble décalé par rapport au centre de gravité de la droite, affirme François Fillon. Mais aussi du pays, qui est plus à droite qu’il ne l’a jamais été. Quand j’étais à 10 % dans les sondages, tous les commentateurs, y compris lui-même, disaient que mon programme était excellent. Maintenant que je suis à 44 % il est, paraît-il, "infaisable". Le scepticisme d’Alain Juppé révèle ses hésitations à agir fort. Ses critiques justifient ma candidature. Je lui réponds que si on n’accepte pas de prendre des mesures radicales, la situation du pays continuera à se dégrader. »

Alain Juppé répond dans Le Figaro : « quand on le lit, le projet de François Fillon se donne l’apparence d’un programme à la Thatcher. C’est pourtant à mille lieues de la réalité. Beaucoup de ses propositions ne sont absolument pas réalistes. Certaines ne peuvent pas être mises en application. D’autres, si elles l’étaient, ne produiraient pas les effets escomptés. Or nous savons très bien où nous mènerait un projet peu crédible : il conduirait la France dans une nouvelle spirale de déception et de défiance vis-à-vis des responsables politiques. Nous ne pouvons pas nous permettre de décevoir à nouveau. »

Et Alain Juppé de conclure : « je suis le seul à pouvoir rassembler, demain, la droite et les centres pour permettre l’alternance en 2017. »

Qui va faire la différence ?

Alors qui va l’emporter dimanche ? François Fillon paraît le mieux placé si on additionne ses voix et celles de Nicolas Sarkozy qui a appelé à voter pour lui… Mais prudence !

Et même, « méfiance !, s’exclame Le Journal de la Haute-Marne. Certes, l’avance est confortable. Mais n’oublions pas que les sondeurs, justement, ont été victimes - ou se sont rendus coupables, c’est selon – d’un plantage en règle. Il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas encore le cas tout au long de cette semaine. Rien n’est jamais acquis et les vérités mathématiques, en matière d’enquêtes d’opinion, n’en sont visiblement pas. »

En effet, insiste le Courrier Picard, « tout pronostic reste hasardeux sur l’issue du second tour : les prestations aux journaux télévisés et le débat de jeudi soir seront essentiels. Après l’exclusion de Nicolas Sarkozy, bien des électeurs peuvent encore ne pas revenir voter ou modifier leur choix. Surtout s’ils pensent au 3e tour, à savoir, l’élection présidentielle. »

En fait, souligne La Voix du Nord, « pour avoir une chance de combler son retard sur François Fillon, Alain Juppé aurait besoin d’une mobilisation exceptionnelle des électeurs centristes et des sympathisants de gauche inquiets du programme d’économies à la hache porté par François Fillon (…). Dimanche dernier, environ 15 % des votants étaient des sympathisants de gauche. Nicolas Sarkozy éliminé, pas sûr qu’ils reviennent en seconde semaine ! »

Partager :