Dans ce livre de confidences, le chef de l’Etat déclare au sujet de la justice : « C'est une institution de lâcheté. Tous ces procureurs, ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux. On n'aime pas le politique. » Une déclaration sortie de son contexte, mais qui aujourd'hui provoque un séisme.
Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation, et Jean-Claude Marin, procureur général, ont rencontré mercredi soir le chef de l'Etat, mais cet entretien n'a pas atténué le sentiment d'une nouvelle humiliation.
Ils ont donc profité d'une audience solennelle de la Cour de cassation pour tirer à boulet rouge sur François Hollande. Mettant en parallèle ces propos avec ceux de l'ancien président Nicolas Sarkozy qui comparait les magistrats à « des petits pois sans saveur », ils entendent désormais mener la fronde.
« Que peuvent aujourd’hui penser les Français lorsque de tels propos sont tenus sur leur justice par la plus haute autorité de l’Etat ?, s'est interrogé Jean-Claude Marin. Comment peuvent-ils regarder ces hommes et ces femmes engagés quotidiennement au service du bien public ? Il devient dès lors incontournable de poser et de régler la question de l’ordonnancement de nos institutions et de la réelle indépendance de l’autorité judiciaire dans ce pays. »
Indépendance de la justice, défiance à l'égard de l'exécutif, ces déclarations font voler en éclats une relation plutôt apaisée jusqu'ici entre le chef de l'Etat et les magistrats.
► ANALYSE
C’était son pari et son engagement : restaurer la confiance avec les magistrats. Avec lui, c'était promis, terminé les mots qui choquent, « magistrats petits pois sans saveur »… Oubliée la colère des juges et leur grève historique de 2011.
Sûr de lui à Tulle (Corrèze) le soir de son élection, François Hollande déclarait : « Je demande à être jugé sur deux engagements majeurs, la justice et la jeunesse ». Des propos balayés par des confidences.
« Pathétique, catastrophique » dit-on jusque dans l’entourage proche du président de la République. Des mots ni démentis ni retirés, pointe Alain Juppé.
Et de fait, pour tenter d'éteindre l'incendie, la ligne de défense est : « regardez les actes et les discours publics du président » dit un conseiller, « respect de l'indépendance de la justice, respect des magistrats ».
Une ligne de défense inefficace aujourd'hui. La bronca rassemble l'ensemble de l'institution judiciaire. Le doute s'affiche même officiellement au gouvernement. Pour le secrétaire d’Etat Thierry Mandon, François Hollande peut même désormais être battu à la primaire de la gauche.