François Hollande soigne le dernier passage de son quinquennat aux Nations unies

Une journée « marathon ». En marge de l'Assemblée générale de l'ONU, qui se tient cette semaine à New York, le président français a enchaîné pas moins de onze entretiens bilatéraux et six discours, mardi 20 septembre. François Hollande s'est notamment exprimé depuis la tribune en plénière, pour la dernière fois de son quinquennat, et peut-être la dernière fois tout court.

Avec nos envoyées spéciales à New York,  Anissa El Jabri et Anne Corpet

En France, les sondages ne lui laissent que peu de chances pour la présidentielle. Le président a donc apporté un soin particulier à son passage devant l'Assemblée générale de l'ONU. Des ratures et des réécritures avec son feutre bleu personnel : voilà comment François Hollande a préparé son discours dans les airs entre Paris et New York.

Pas question, dit l'équipe du chef de l'Etat français, d'y voir un testament diplomatique. Encore moins le début d'une tournée des adieux. Pourtant, en privé, François Hollande revient encore et toujours sur ce qu'il juge être un marqueur de son quinquennat : sa détermination sur le dossier syrien.

Août 2014, rappelle-t-il, pas d'accord international pour une intervention dans ce pays. Et au bout du compte, ce sont les mots de M. Hollande à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies, « une honte devant l'histoire pour la communauté internationale ». Et d'asséner : « Ça suffit ! »

A quelques heures d'une réunion du Conseil de sécurité sur le sujet, François Hollande a voulu taper du poing sur la table. Il a présenté quatre « exigences » face à la guerre en Syrie : « imposer le cessez-le-feu », « assurer l'acheminement immédiat de l'aide humanitaire », « permettre la reprise des négociations politiques », « sanctionner le recours aux armes chimiques ».

François Hollande assure le service après-vente de l'accord climatique

François Hollande a également profité de l'occasion pour lancer un appel sur le climat, pour demander aux pays membres des Nations unies d'accélérer le processus de ratification de la COP 21 chez eux, quatre mois après la cérémonie des signatures de l'accord de Paris, en avril dernier dans cette même enceinte des Nations unies. Car il manque encore de nombreux pays à l'appel, et le temps presse.

Paris passe la main au Maroc dans quelques semaines, a rappelé le président français. « La COP 21 a été la conférence des décisions. La COP 22, qui se tiendra à Marrakech, doit être celle des solutions. Il s'agit de mettre en œuvre l'Alliance solaire internationale, de lutter contre la désertification, de protéger les océans, de fixer un prix du carbone », a énuméré François Hollande.

Dans quelques heures, sa ministre de l'Environnement Ségolène Royal, présidente de la COP 21 jusqu'à la mi-novembre, prendra le relais pour continuer de plaider la même cause, aux côtés du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon. L'espoir d'une ratification rapide de la Russie s'étant éloigné, tous les yeux sont désormais tournés vers le Canada, l'Australie, et peut-être même l'Inde.

« Une des premières causes des déplacements, c'est une cause climatique »

Finalement, la « cohérence » que souhaite se donner François Hollande aura aussi été entrevue pendant le sommet sur les réfugiés organisé ce mardi en marge de l'Assemblée générale. Le président français a notamment déclaré que Paris allait verser 50 millions d'euros au Liban, destinés à financer la scolarisation d'enfants réfugiés. Mais il s'est surtout attaché à appeler la communauté internationale à lutter contre les causes des phénomènes migratoires.

« Lutter contre le terrorisme, a-t-il dit, c'est finalement la première exigence que nous devons avoir si nous voulons régler la question des réfugiés. Mais (...) si nous voulons éviter les réfugiés demain, nous devons assurer le développement et la croissance dans les pays qui sont les plus pauvres et les plus vulnérables. Et si la France est autant engagée sur la question climatique, (c'est aussi) parce qu'une des premières causes des déplacements, des migrations, des réfugiés, est une cause climatique. »

Et le numéro un français de conclure : « Voilà Mesdames et Messieurs, il ne s'agit pas simplement de savoir qui va prendre la part du fardeau, qui va accepter de répartir les réfugiés tout au long des prochaines années. Il s'agit d'organiser une véritable politique pour lutter contre les causes mêmes des mouvements de populations, des déplacements. Il s'agit de régler les crises et d'assurer le développement ; il s'agit tout simplement de ne pas subir, mais d'agir. »

Le président est si occupé qu'il fait attendre Joe Biden une demi-heure

François Hollande se projette encore dans les années à venir. Mais sa journée « marathon » à New York s'est également effectuée au prix d'un impair diplomatique : il a fait attendre le vice-président américain, ce qui est très mal vu aux Etats-Unis. En fin de journée, François Hollande est en effet arrivé avec une demi-heure de retard sous l’immense verrière du Metropolitan Museum où l'attendait Joe Biden.

Dans l'intervalle, le deuxième personnage de l'Etat américain a donc dû meubler, avant d'accueillir le président français avec une ironie à peine feutrée, sous les rires de l'assistance : « Le président français est là, Mister Hollande ! Timing parfait ! Pouvez-vous quand même leur dire que je n'ai pas été privilégié par le trafic pour arriver jusqu'ici ? J'ai eu le même problème que vous ! », a fait remarquer M. Biden.

François Hollande s'en est tiré par une pirouette, un « I'm not guilty ! » qui a de nouveau suscité les rires. « Pas coupable », le chef de l'Etat. Dans son entourage, on veut le croire : l'année prochaine, ce sera encore plus dense... s'il est toujours président, dit-on !

Et Hollande d'annoncer la création d'un fonds pour sauvegarder le patrimoine

En attendant, l'intéressé a profité de ce passage au Metropolitan Museum pour lancer une autre annonce : la France souhaite la création d'un fonds mondial pour la sauvegarde du patrimoine menacé, « avec l'ambition de recueillir 100 millions de dollars », a déclaré le chef de l'Etat français devant un parterre de mécènes réunis dans une vaste salle dédiée au temple égyptien d'Isis.

Le nouveau fonds, a précisé François Hollande, sera créé à l'occasion de la conférence internationale sur le patrimoine de l'humanité menacé que la France et les Emirats arabes unis organiseront les 2 et 3 décembre prochains en marge de l'achèvement du musée du Louvre Abou Dhabi.

Cet argent « financera le sauvetage des œuvres et des monuments, assurera la restauration et la reconstruction des lieux de mémoire et formera des spécialistes, des archéologues, des conservateurs, des historiens », a précisé M. Hollande. « Il sera de statut privé » et s'accompagnera d'un « dispositifs d'incitation fiscale », afin de réunir « le maximum de mécènes », a encore souligné le président français.

La France, a enfin indiqué François Hollande, « saisira le Conseil de sécurité pour qu'il fixe des normes générales de protection », alors que « des règles s'appliqueraient dans le cadre des opérations de maintien de la paix ». « Voilà l'enjeu du rendez-vous d'Abou Dhabi », a plaidé le président, activiste tous azimuts : « affirmer des choix de civilisation face à la haine et à la destruction ».

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