Le Conseil d'Etat a rendu une décision favorable au port du burkini sur les plages. La plus haute juridiction administrative a estimé que cette tenue de bain portée par certaines femmes musulmanes ne constituait pas un trouble à l'ordre public.
« Aucun élément ne permet de retenir que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes, estime le Conseil d'Etat. En l’absence de tels risques, le maire ne pouvait prendre une mesure interdisant l’accès à la plage et la baignade». A Villeneuve-Loubet, le maire de la commune avait précisément pris cet arrêté en affirmant vouloir garantir ledit ordre public. Le Conseil d'Etat ajoute que l'arrêté porte « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».
Qu'est-ce que cela signifie ?
La trentaine de communes françaises qui a décidé d'interdire le burkini s'est appuyée sur les mêmes raisons que Villeneuve-Loubet. Or, c'est cet arrêté précis qui vient d'être suspendu. Concrètement, cela signifie que dès maintenant, si une requête de référé liberté est déposée au tribunal administratif d'une de ces communes, il y a toutes les chances pour que l'arrêté soit suspendu.
Car en France, le Conseil d'Etat fait autorité sur toutes les procédures administratives. Et il considère donc que l'arrêté de Villeneuve-Loubet porte atteinte de manière excessive aux libertés fondamentales. Autrement dit, le juge administratif suprême estime que le risque de troubles à l'ordre public que pourrait générer le port d'une tenue religieuse sur une plage est moindre par rapport aux libertés fondamentales qu'il restreint.
Mais suspension ne veut pas dire annulation. « Quand on suspend une décision, on empêche son application immédiate, mais on ne l'annule pas sur le fond, explique à RFI Didier Maus, constitutionnaliste. Et il va y avoir ensuite un procès sur le fond. On est dans ce que l'on appelle une procédure d'urgence, c'est-à-dire une procédure de référé, et pour que le juge administratif prenne une décision de suspension, il faut deux motifs : un, qu'il y ait urgence, deux, qu'il y ait un doute sur le contenu de la décision, en tout cas qu'elle n'apparaisse pas comme automatiquement licite. »
Les maires des communes qui ont pris ces arrêtés peuvent cependant décider de les retirer eux-mêmes, pour éviter d'aller devant tribunal. Sinon, il y a fort à parier que les associations des droits de l'homme déposeront un référé liberté en s'appuyant sur la décision du Conseil d'Etat. Cela sous-entend que, sauf si le tribunal juge qu'il y a un risque manifeste de trouble à l'ordre public, le burkini pourrait être autorisé partout en France dès la semaine prochaine.
« Il est évident que la décision d'aujourd'hui va faire jurisprudence, pour les tribunaux administratifs, parce que le Conseil d'Etat donne le mode d'emploi, non pas de l'arrêté sur le fond, mais de la décision en matière d'urgence, conclut Didier Maus. Il y a un mode d'emploi, et il faudra que ce mode d'emploi soit suivi par les tribunaux administratifs s'ils en ont l'occasion », c'est-à-dire s'ils sont saisis par des réquérants contre les arrêtés municipaux.