RFI : Quelle est l’importance de la télévision pour le Festival d’Avignon ? Est-ce que le Festival a vocation d’être présent avec des créations théâtrales sur tous les supports, de la télévision en passant par le cinéma jusqu’aux webdocs et téléphones portables ?
Olivier Py : Le Festival tient son sens d’abord du fait qu’il a lieu en Avignon et en présence du public. C’est vrai, il y a une transmission des Damnés qui commence ce soir avec la troupe de la Comédie-Française dans la Cour d’honneur. Ce retour à Avignon de la Comédie-Française après 23 ans d’absence est très important. La Comédie-Française va changer son image, elle sort de sa salle Richelieu, elle se met en danger avec ce spectacle. Et puis, on voulait célébrer cet anniversaire avec un objet mémoriel, avec un travail historique, après le très beau livre d’Antoine de Baecque qui vient de sortir sur l’histoire du festival. J’ai proposé à Thomas Jolly et à Piccola Familia de raconter tous les jours un épisode de l’histoire du Festival et peut-être même son avenir. Et tous les jours à 20h40 sur France 2, Thomas Jolly lui-même fait un joli résumé d’une minute et demie ou de deux minutes de l’épisode qui a été présenté dans le jardin Ceccano. Bien sûr, nous croyons aussi que le numérique va nous permettre d'agrandir notre public, de le rajeunir. Ces médias vont probablement changer l’avenir du public à Avignon.
Ici même, sous les oliviers du jardin Ceccano s’est tenu l’année dernière laRépublique de Platon, une lecture de textes philosophiques autour de l’injustice et la démocratie qui s’est transformée en véritable assemblée populaire. Un phénomène de société semblable au mouvement Nuit debout survenu huit mois après. Cette année, Maëlle Poésy met en scène au Festival Ceux qui errent ne se trompent pas, un texte écrit en 2014 par Kevin Keiss qui parle exactement du même scénario : des citoyens se réunissant la nuit pour discuter de la démocratie. Croyez-vous à la force d’anticipation du théâtre ?
Oui, il y a souvent une force prophétique chez les artistes. En tout cas, ils essaient d’imaginer comment vivre ensemble, réunir les espoirs qui nous permettent d’inventer une nouvelle démocratie dans les temps d’aujourd’hui, à la fois mondialisé et surmédiatisé. Ils soufflent un vent de pensée politique, de conscience morale et sociale à Avignon. C’est important. C’est l’histoire d’Avignon comme disait Jean Vilar à la fin de ce premier épisode de la Piccola Familia. Il ne s’agit pas seulement de faire du théâtre, il s’agit aussi d’inventer une nouvelle société.
Le Festival a été créé en 1947 par Jean Vilar, le trublion du théâtre conventionnel. Dans les années 1980, l’énarque Bernard Faivre d’Arcier avait transformé le Festival en institution culturelle et internationale. Les années 2000 ont été marquées par une époque d’expérimentation nouvelle menée par Vincent Baudriller et Hortense Archambault. Votre marque de fabrique depuis votre nomination en 2013, est-ce le règne d’un certain esprit politique du théâtre ?
D’abord, il faut faire du théâtre. S’il est politique en plus, alors, c’est encore mieux. Il ne faut pas oublier qu’Avignon, c’est la fête pendant trois semaines. Et c’est aussi une fête de la pensée et de l’espoir. Donc, le politique a une place extrêmement importante, mais nous sommes là d’abord pour célébrer la culture. Et c’est ça qui est politique en soi.
C’est le dernier Festival d’Avignon avant l'élection présidentielle. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
En France, il y a presque toujours des élections [rires]. On est toujours en période électorale. On espère que le Festival d’Avignon aidera à ce que la culture ne disparaisse pas des programmes des politiques.
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