François Hollande n’a pas abandonné la « méthode Coué », qu’il pratique assidument depuis quatre ans. A défaut d'aller bien, « ça va mieux », dit-il. Mais les Français le croiront-ils après cette émission en forme de bilan pour tenter de se relancer, et alors qu'il y a 700 000 chômeurs de plus depuis son élection en 2012 ?
Face à quatre Français pugnaces mais respectueux, François Hollande n’a pas échappé à son travers de spécialiste du CDD et du temps partiel, énumérant tout ce qui a été fait depuis quatre ans, sans vraiment parvenir à donner le sens qui manque à un quinquennat plein d’ambiguïtés.
A l'image du fil rouge qu’il a donné de son action globale jeudi soir : « Moderniser le pays tout en préservant le modèle social ». Hollande, réformateur de gauche, qui « ne fait pas de cadeaux aux patrons », voilà l’image qu’il aimerait imprimer pour tenter de retrouver son électorat enfui.
La France va-t-elle mieux qu'avant ?
Pour François Hollande, « oui, la France va mieux. Il y a plus de croissance, moins de déficits et moins d’impôts ». La croissance en France s'est en effet améliorée. Elle s'élève à 1,1 % du produit intérieur brut (PIB), alors qu’elle était à 0,2 % au début de son mandat. Mais elle est aussi plus faible que celle des autres pays de la zone euro.
C'est vrai également, le déficit public de la France se porte mieux que prévu. Il est à 3,5 % du PIB en 2015, et devrait s’approcher cette année des 3 % exigés par Bruxelles. En revanche, la dette publique, elle, n’a cessé d’augmenter pour s'élèver aujourd'hui à plus de 2 000 milliards d’euros.
Y a-t-il « moins d'impôts » ? Il y a eu, c'est exact, une baisse d’impôts en 2015. Mais après une forte augmentation au début du quinquennat. Donc, il s'agit d'une baisse relative.
Quant au chômage, combat prioritaire du président, il n’a cessé de grimper.
On est passé de 2,9 millions de chômeurs à 3,6 millions en quatre ans. Soit 700 000 personnes sans emploi de plus. Et le chômage des jeunes s’élève à près de 26 %, alors que la moyenne européenne est d'environ 20 %.
« Macron est sous mon autorité »
Contesté jusque dans son camp, François Hollande avait un message à faire passer aux impatients : « Je poursuivrai jusqu'au bout ». Il l'a répété au moins quatre fois pour appuyer sa soif de réformes. Mais l'émission avait aussi pour but d'assoir l'autorité du président de la République. Et à ce sujet, ce dernier a doublement recadré.
Tout d'abord son Premier ministre, Manuel Valls, en assurant qu'il « n'y aura pas de loi sur le voile à l'université ». Ensuite, l'ambitieux Emmanuel Macron, son ministre de l'Economie déjà tenté par le droit d'inventaire : « Il sait ce qu'il me doit, c’est une question de loyauté personnelle et politique », a lancé François Hollande.
Pour le reste, le chef de l'Etat dira à la fin de l'année s'il se représente à la prochaine présidentielle, a-t-il promis lors de cette émission peu suivie, mais très commentée sur Twitter (vendredi matin, le hashtag « #cavamieux » était en tête des mots-clés les plus utilisés par les internautes).
Les gauches ne sont pas d'accord
Après l'émission, les fidèles de François Hollande et les ténors de la majorité ont tenté d'inverser la tendance au scepticisme, à l'image de Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire du Parti socialiste (voir le tweet ci-dessous), ou du chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, pour qui François Hollande « a tracé l'avenir du pays ». Mais sans surprise, l'exercice a déplu à une partie de la gauche.
Eric Coquerel, coordinateur politique du Parti de gauche, parle d'un « bide ». Et pour Yannick Jadot, eurodéputé d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), il y a eu, durant cet entretien télévisé, « assez peu de regard critique sur la ligne économique. Au moins 40 milliards d'euros accordés aux entreprises, sans véritable effet sur l'emploi. Aucune autocritique sur ce débat foireux de la déchéance de nationalité. Au fond, il a renvoyé à d'autres la responsabilité, alors que c'était un calcul politique. »
A droite, sans surprise, on n'a pas aimé
A droite aussi, les critiques sont sévères. Pour le député du parti Les Républicains, Sébastien Huyghe, la prestation du chef de l'état n'a rien de rassurant pour les Français : « Il est apparu, déphasé, décalé, content de ce qu'il a fait pendant les quatre années qui viennent de s'écouler. Le seul message qu'il ait passé, c'est : " Vous allez voir ce que vous allez voir dans la dernière année de mon quinquennat. Votre vie va changer par toutes les mesures que j'ai prises pendant quatre ans. " »
Enfin, pour le secrétaire général du Front national Nicolas Bay, François Hollande n'était pas à la hauteur pour répondre aux attentes et aux craintes des Français : « Sur tous les sujets, il a montré qu'il n'écoutait pas le cri de colère de la France, et qu'il n'avait aucune vision pour notre pays et aucune volonté de mettre en œuvre les mesures qui seraient susceptibles d'améliorer notre économie, notre sécurité, de protéger nos frontières. »
François Hollande évoque l'émission
Au lendemain de ses « dialogues citoyens » sur France 2, François Hollande a quoi qu'il en soit tenté de donner le change, lors d'une visite dans l'usine Alphatech de Venette, dans le département de l’Oise. L'envoyée spéciale de RFI l'a suivi sur place.