D’abord, il y a la manière de faire. Et à Amiens, mercredi soir, on a assisté à un show parfaitement huilé. Avec Emmanuel Macron en vedette, seul en scène, le micro à la main, face à quelques centaines de personnes et sans média dans la salle. Souriant, serein, disponible et prêt. Prêt à se lancer dans le grand bain. Mais en affichant sa différence, toujours. Emmanuel Macron n’a pas sa carte au Parti socialiste. Il ne crée pas un parti, mais un mouvement, ni de gauche, ni de droite, ouvert à tous, sans barrière.
Cette annonce a été réfléchie et préparée : le clip de présentation du mouvement, vraiment professionnel, où défilent les images des Français pour faire le diagnostic d’un pays bloqué, mais aussi vanter « la France de demain », le site internet ont été présentés lors de cette rencontre citoyenne.
Car Emmanuel Macron affiche une volonté de s’adresser directement aux gens, un peu comme Ségolène Royal, avant l’élection présidentielle de 2007, lorsqu’elle avait prôné la démocratie participative et lancé Désir d’avenir en dehors du Parti socialiste. Une comparaison qui en soit montre bien qu’une telle démarche soutient forcément une grande ambition.
Macron et Valls : deux concurrents
Ensuite, il y a la stratégie politique. Emmanuel Macron envoie un message. Il est là et il se prépare. Pour quoi ? D’abord, dit-il, pour faire passer des « idées neuves », « débloquer la société », « mettre fin aux corporatismes », dépasser le « clivage obsolète » droite-gauche, concilier liberté et justice, bref aider la France à opérer une mutation indispensable, mais qui fait peur.
Autrement dit, il se positionne sur le terrain du réformisme, de la modernité, du pragmatisme et de la recomposition politique. Des créneaux jusqu’ici occupés par celui qui fut en son temps le trublion du PS, Manuel Valls. Les deux hommes sont donc plus que jamais concurrents. Mais le ministre de l'Economie a un coup d'avance et profite de sa plus grande liberté d'action, alors que Manuel Valls est pour le moment pris au piège de sa fonction.
Et là, c’est la succession de François Hollande qui semble déjà être en jeu. Dans cette bataille, Emmanuel Macron a choisi le créneau du séducteur plutôt que celui du contradicteur. Il veut jouer de son aisance et de son charme pour concurrencer Manuel Valls dont l’autorité et l’intransigeance lui attirent des critiques. Toujours montrer sa différence.
Fidèle à Hollande
Mais Emmanuel Macron roule-t-il seulement pour lui ? Pas sûr. Il reste fidèle à François Hollande. Il fait partie du cercle restreint autour du président de la République. Il lui doit d’être sorti de l’ombre. Son créneau ne semble pas être celui de la trahison politique.
Même s’il veut certainement jouer sa propre partition, mettre en avant sa différence, cela peut aussi servir le chef de l’Etat le moment venu. Le lancement de son mouvement politique, dont François Hollande était prévenu, n’est d’ailleurs pas vu d’un mauvais œil à l’Elysée.
Et pour cause, si le chef de l'Etat était à nouveau candidat en 2017, Emmanuel Macron pourrait jouer les rabatteurs d'électeurs du centre notamment convoités par un président toujours à la recherche de nouvelles combinaisons politiques. Et si François Hollande renonçait à se présenter, son jeune ministre de l'Economie, chouchou des sondages, serait en position d'y aller à sa place. Une stratégie gagnant-gagnant.