Un petit groupe de prostituées lance des slogans devant l'Assemblée. Parmi elles, Yué Yué. Elle est chinoise, et travaille à Belleville. Et avec cette loi, elle a peur de ne plus gagner assez d'argent pour l'envoyer à sa famille restée en Chine.
« Je pense que cette loi va avoir beaucoup d'impact sur nos conditions de travail. Les clients que j'ai aujourd'hui sont des gens qui vont respecter la loi et qui, du coup, ne viendront plus me voir. Donc je n'aurai, petit à petit, plus de clients et mon niveau de vie va baisser de manière très, très forte », estime-t-elle.
Les prostituées craignent d'avoir moins d'accès aux soins
Pour continuer à exercer son activité, Yué Yué l'affirme : elle ira dans des lieux plus discrets. Une stratégie qui inquiète les associations. « Cela va accroître l'isolement des travailleuses du sexe et cela va surtout entraver leur accès aux soins, au dépistage. Les associations qui distribuent sur le terrain du matériel de prévention vont avoir beaucoup plus de mal à accéder aux principales concernées, donc à faire leur travail », explique Cécile Luillié, militante d'Act-Up.
En contrepartie, la loi propose un parcours de sortie de la prostitution. Mais cela ne fonctionnera pas avec celles qui exercent cette activité par choix. « On va supprimer le délit de racolage en proposant un parcours de sortie de la prostitution. Mais il est complètement illusoire parce que ça ne correspond pas à la réalité des besoins des personnes, notamment celles qui ne sont pas des victimes de la traite », déplore Giovanna, une ancienne prostituée.
Entre 30 et 40 000 prostituées en France
La loi ne fait donc pas l'unanimité dans la profession. La France compte entre 30 et 40 000 prostituées. A noter que la loi de lutte contre la prostitution prévoit également d'accorder des titres de séjour d'au moins six mois pour les prostituées qui s'engagent à stopper leur activité ; 80% des prostituées françaises sont d'origine étrangère.
La députée socialiste Maud Olivier défend la loi. « L'objectif, explique-t-elle, c'est de changer le regard de la société et ça, c'est un objectif réaliste. Je considère que c'est un moment très important pour justement faire prendre conscience que les femmes sont victimes d'une domination masculine et que le rapport sexuel et le désir doivent être partagés et que les femmes n'ont pas à subir parce qu'elles sont dans des problèmes économiques graves ou parce qu'elles sont victimes de réseaux, à subir une vente d'acte sexuel d'un client qui, parce qu'il a de l'argent, a tous les pouvoirs. Il faut changer ça et c'est le but de la loi », a-t-elle déclaré.
Philippe Gosselin, député LR, estime au contraire que la loi ne règle pas le problème. « On a l'impression qu'en sanctionnant, on peut déplacer le problème. Comme il ne sera pas visible, ce sera plus par internet, par mobile, que les rendez-vous se feront, dans des "arrières-cours", peut-être d'ailleurs au sens propre comme au sens figuré. Il me semble qu'on ne résout pas la question. Et quand une association comme Act-Up, et comme d'autres, met en avant un certain nombre de difficultés qui ne sont pas résolues par le texte et qui au contraire pourraient peut-être être déplacées ou aggravées, on se pose des questions », s'inquiète-t-il.