Situé dans le Gard, Saint-Just-et-Vacquières, commune de 250 habitants nichée aux portes de Cévennes, est un petit paradis sur terre. Comme partout en France, l’instruction est obligatoire pour les enfants, en revanche, l’école du village n’a rien à voir avec une école « normale ». L’enseignement est dispensé par Jean-Michel Burel, un prof unique pour une classe unique. Et ça fait 40 ans que ça dure.
« Il faut de l’émotion »
Avec ses cheveux en bataille, sa tête ronde et son sourire large, il ressemble à un Pierre Perret de la pédagogie. Sagement assis sur leurs chaises, la vingtaine d’enfants du CP et du CE1 donnent l’impression d’attendre le cours avec autant d’impatience que les jolies colonies de vacances. Merci Jean-Michel Burel. Sa recette ? « On transmet bien quand on aime bien quelque chose. Il faut de l’émotion. Les enfants ressentent ça. »
Depuis son début comme instituteur, à l’âge de 21 ans, il leur parle d’égal à égal, explique les maths avec autant de sérieux que le respect, toujours prêt à recommencer à zéro. Un élève est méchamment renvoyé à ses origines coréennes avant d’insulter l’autre d’être gros ? Monsieur Burel s’assoit avec l’un et avec l’autre, leur parle, les réconcilie et leur montre comment faire la paix. C’est aussi l’occasion d’expliquer en classe le cercle vicieux, la violence verbale et la tolérance. Et pour finir, une petite marche vers le Monument aux Morts du village éclaircit les fruits de la haine.
Écrire ensemble le carnet de classe
Filmé en immersion, avec une grande tendresse, le documentaire réussit à faire oublier la présence de la caméra dans la salle de classe. N’étant ni juge ni voyeur, on se sent bien avec les élèves et le prof, tout content d’écrire ensemble le carnet de classe de cette année scolaire.
Les hauts et les bas, Jean-Michel Burel les connaît. Pourtant, depuis 40 ans, il tient dans cette école de campagne ses promesses. Les élèves le savent et l’apprécient, comme leurs parents auparavant. La réalisatrice a passé elle-même six ans dans cette école maternelle, d’où le titre et son constat : « il est resté le même ».
Avant ou après le cours, par exemple, Monsieur Burel balaie devant sa propre porte. Tous les jours, il nettoie lui-même cette salle de classe dont les murs sont couverts de peintures d’enfants pleines de couleurs et d’imagination, de livres et de trophées ainsi d’une carte du monde appelant à l’aventure.
La salle de classe est leur maison
Sortir de l’école, toucher les arbres, bricoler une cabane en bois, fait partie du programme. Mais même quand il corrige les épreuves et dispatche les points, les enfants ont l’air de recevoir une récompense. Et les mercredis pluvieux, les élèves n’hésitent pas à rester à l’école. Cette salle est aussi leur maison, ouverte à volonté, du lundi au dimanche, le maître d’école habite juste à côté. Quand un élève décroche, c’est aussi son affaire, comme la présence d’un jeune handicapé mental fièrement assis au dernier rang, une décision du maître d’école de transformer son cours ainsi en classe d’intégration.
Une école de la vie
Bien sûr, on peut reprocher au film de présenter une école paradisiaque avec une vision « pagnolesque », naïve et esthétisante. Sauf que l’essentiel ne se trouve pas dans les tremolos de la musique sucrée tirant le documentaire vers la nostalgie et le passé. Le message du film réside beaucoup plus dans les bruits de la craie qui ratisse, crisse et danse sur le tableau noir. Au grand écran n’apparaît pas une école d’antan, mais celle dont on a besoin aujourd’hui : une école de la vie où le savoir vient de la liberté, l’autonomie, la confiance, la tolérance et la responsabilité. Une expérience à la fois simple et éblouissante.