Etat d'urgence: Amnesty appelle à la vigilance

La France vient d'informer le Conseil de l’Europe de sa décision de « déroger à la Convention européenne des droits de l’homme ». C'est la conséquence juridique de l'instauration au niveau national de l'état d'urgence, décidé au soir des attentats meurtriers du 13 novembre. Pour Paris, cette démarche auprès de l'organisation paneuropéenne vise à se prémunir d'éventuelles condamnations devant la CEDH.

L’article 15 de la Convention européenne des droits de l'homme autorise les Etats à déroger aux obligations prévues par cette même convention en « cas de guerre ou d'autre danger public menaçant la vie de la nation ». C'est ce qu'a décidé de faire la France, le 24 novembre. Juridiquement, il s'agit de la suite logique à l'instauration de l'état d'urgence sur le sol français, proclamé par le président François Hollande au soir des attentats et prolongé jusqu’à fin février par le Parlement.

Gare aux privations de liberté

Cette procédure donne à la police de nouveaux pouvoirs, sans passer préalablement par un juge, notamment pour les perquisitions ou la surveillance électronique de personnes, mais permet aussi d'interdire des rassemblements et des manifestations. C'est le cas notamment de la grande marche pour le climat prévue le 29 novembre en marge de la COP21, la conférence sur le climat qui débute lundi à Paris.

Pour Nicolas Krameyer, responsable du programme Liberté d'expression chez Amnesty International, il faut rester vigilant. « L’état d’urgence ne doit pas être une raison pour mettre à bas l’ensemble des droits humains les plus fondamentaux sans exiger un minimum de proportionnalité et de nécessité dans les décisions qui sont prises. »

Il s'interroge notamment sur la légitimité et la nécessité d’interdire un certain nombre de rassemblements : « On voit qu’un certain nombre de rassemblements publics sont totalement autorisés [...] si on prend les marchés de Noël, si on prend les matches de foot, on voit bien qu’il y a un choix des pouvoirs publics d’assurer la sécurité d’un certain nombre de rassemblements au détriment d’autres. Ce que nous questionnons, c’est la légitimité et la nécessité d’interdire un certain nombre de rassemblements qui pourraient faire l’objet d’un encadrement [...] mais qui permettraient aussi aux gens, à la société civile de pouvoir s’exprimer librement sur des enjeux qui sont décisifs », estime le responsable d'Amnesty International.

Droits inaliénables

La Convention européenne des droits de l'homme reste malgré tout en vigueur en France et certains de ces droits ne pourront tolérer de dérogation, a prévenu le Conseil de l’Europe. Il fait référence notamment au droit à la vie et à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

La possibilité de déroger à la Convention européenne des droits de l'homme a rarement été utilisée par le passé. La France n'y a eu recours qu'une seule fois, de février à juin 1985, mais uniquement pour son territoire d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, alors soumis à de violentes tensions.

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