Lire Racine vous effraye ? N’ayez pas peur, avec Nathalie Azoulai la rencontre avec Titus et Bérénice est un délice littéraire, un bonbon de mots tendres, acides ou passionnés prêts à éclater dans l’esprit.
« Titus aime Bérénice et la quitte. » C’est l’intrigue et le paradoxe cruel créés par Racine qui ouvrent la scène d’une écriture qui séduit et nous engloutit dans l’histoire que Racine fait vivre depuis plus de trois siècles. Ceci dit, c’est une histoire d’amour d’aujourd’hui que nous raconte Nathalie Azoulai. Mais pour comprendre ses maux modernes, son personnage principal fait appel au plus classique parmi les classiques : « Si elle comprend comment ce bourgeois de province a pu écrire des vers aussi poignants sur l’amour des femmes, alors elle comprendra pourquoi Titus l’a quittée. » Alors, cette Bérénice contemporaine n’hésite pas à fouiller la vie et l’œuvre de Racine pour trouver un remède à sa souffrance sentimentale : « Racine, c’est le supermarché du chagrin d’amour ».
Les ambitions et les soubresauts de Racine
Nathalie Azoulai, auteure de six romans et ancienne élève de l’École normale supérieure, agrégée de lettres, a rencontré son premier succès avec Mère agitée en 2002. Dans Titus n’aimait pas Bérénice, elle déploie une écriture sans recherche d’effets qui réussit à nous charmer tout au long de ce livre de 316 pages qui n’obéit pas aux cinq actes institués par Racine, mais crée son propre rythme en explorant, questionnant et ressuscitant les ambitions et les soubresauts de Racine.
Pour comprendre ses raisonnements, l’aura de sa poésie littéraire et finalement aussi sa connaissance psychologique des femmes, Nathalie Azoulai se met sur les traces de cet auteur orphelin à l'âge de 3 ans, élevé au 17e siècle à Port-Royal chez les jansénistes. On assiste à ses trouvailles intellectuelles, la fulgurance de sa pensée et les traits d’esprit qui forme son caractère. Les mots et la liberté, la grammaire et l’irrévérence, la langue et la vie, toutes ces relations vont être examinées, car chez Racine « les mots s’exercent comme des muscles et assouplissent leurs résistances ». Aucune fatalité ne sort de ce roman qui puise ses sources à l’époque du Roi-Soleil, mais qui fait traverser d’un rayon de soleil la douleur d’une perte vécue aujourd’hui.
► Lire aussi : Les prix Femina pour « La Cache » et « Lévi-Strauss »
► Lire aussi : Mathias Enard, le prix Goncourt 2015 pour un amoureux de l’Orient