Il ne sera pas question d'arbitrage devant la Cour d'appel de Paris, mais de la genèse du litige entre l'homme d'affaires Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais. La Cour va tenter de répondre à cette question : Bernard Tapie a-t-il - comme il l'affirme - été lésé en 1993, au moment de la revente d'Adidas ?
Le Crédit Lyonnais: prêteur, vendeur et acquéreur
Le feuilleton trouve son origine au tout début des années 1990. Bernard Tapie achète alors Adidas pour 1,6 milliard de francs. Pour acheter l'équipementier, l'homme d'affaires est appuyé par un groupe de plusieurs banques emmenées par la Société de Banque occidentale (SdBO), une filiale du Crédit Lyonnais.
Fin 1992, Bernard Tapie veut laisser les affaires de côté pour se consacrer à sa carrière politique. Il décide alors de vendre les parts qu'il détient dans Adidas, soit 80% du capital. C'est la SdBO qui se chargera de la transaction. Elle a pour cela le mandat de Bernard Tapie. Le mandat est d'un peu plus de deux milliards de francs (315,5 millions d'euros).
Adidas vendu en 93, racheté le double deux ans plus tard
Les actions Adidas sont achetées - 315,5 millions d'euros - par huit acquéreurs dont Clinvest, une filiale du Crédit Lyonnais, des structures off-shore et une structure luxembourgeoise ainsi qu'une société détenue par l'homme d'affaires Robert Louis-Dreyfus.
La vente et faite, mais le même jour, le 12 février 1993, les huit acquéreurs s'entendent pour revendre les titres Adidas à une société de Robert Louis-Dreyfus pour 3,5 milliards de francs. L’entente est conclue ; la vente, elle, ne se fera qu'en décembre 1994 pour 4,5 milliards de francs. Plus-value de l'opération : 2,5 milliards de francs.
Bernard Tapie: mal conseillé ?
Bernard Tapie affirme qu'il y a eu tromperie : que la SdBO et Clinvest, toutes deux filiales du Crédit Lyonnais, se sont entendues en amont pour vendre Adidas à Robert Louis-Dreyfus, et profiter des retombées de la plus-value réalisée. L’homme d'affaires estime qu'en tant que client historique du Crédit Lyonnais, il aurait dû être mieux conseillé. Il accuse aussi le Crédit Lyonnais d'avoir été, en quelque sorte, juge et partie. Le Crédit Lyonnais vendait Adidas pour le compte de Bernard Tapie et rachetait l'équipementier dans le même temps.
Mieux avisé, l'homme d'affaires assure aussi qu'il aurait orchestré lui-même l'introduction en bourse d'Adidas. Adidas en bourse, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. L’équipementier vendu par Tapie deux milliards de francs, racheté deux ans plus tard le double, et valorisé lors de son introduction en bourse à Francfort en 1995, 11 milliards de francs, soit deux milliards d'euros ! Le Consortium de réalisation, l'organisme qui gère le passif du Crédit Lyonnais, explique que l'effort de redressement réalisé par Robert Louis-Dreyfus a permis la bonne opération obtenue lors de l'introduction de l'équipementier en bourse.
Coup de bluff ? Coup de poker ?
Si la Cour d'appel reconnait que Bernard Tapie a été lésé par le Crédit Lyonnais comme il le prétend, s'il obtient gain de cause sur le fond, l'homme d'affaires se retrouverait en position délicate puisqu'il a accepté un arbitrage en 2008 qui lui a permis de récupérer 405 millions d'euros et de solder son litige avec le Crédit Lyonnais. Arbitrage suspect qui vaut aujourd'hui à Bernard Tapie et à cinq autres personnes d'être mis en examen au pénal dans ce dossier pour escroquerie en bande organisée.