PS: Macron déclenche un festival de petites phrases à La Rochelle

La sortie d’Emmanuel Macron a fait l’effet d’une bombe, à La Rochelle. « [Penser que] la France pourrait aller mieux, en travaillant moins. C’était une fausse idée », a lâché jeudi le ministre de l’Economie devant les représentants du Medef. Pour tenter de calmer les militants, Manuel Valls assure qu’« il n’y aura pas de remise en cause » des 35 heures. 

Avec notre envoyée spéciale à La Rochelle, Anissa el-Jabri

C’est une rentrée en ordre totalement dispersé, à gauche. D’un côté, deux têtes d’affiche d’EELV claquent la porte du parti écologiste, qualifié ce matin d’« astre mort » par le sénateur Jean-Vincent Placé. De l’autre, Emmanuel Macron suscite, à nouveau, la controverse pour des propos tenus quelques heures avant l’ouverture officielle de la rentrée des socialistes à La Rochelle. Le ministre de l’Economie, qui n’a pas sa carte au PS, n’était pas invité aux universités d’été. Mais son nom était sur toutes les lèvres, ce vendredi matin.

« [La gauche] a pu croire à un moment, il y a longtemps, que la politique se faisait contre les entreprises ou au moins sans elles, qu'il suffisait de décréter et de légiférer pour que les choses changent, qu'il n'était pas nécessaire de connaître le monde de l'entreprise pour prétendre le régenter, que la France pourrait aller mieux en travaillant moins. C'était une fausse idée », a lancé hier le ministre, en clôture des universités du Medef, le patronat français.

Le ministre français a fait marche arrière, le lendemain, pour tenter - sans succès - de calmer la polémique montante. « Je ne parlais pas des 35 heures mais du rapport au travail. Il en faut plus, pas moins. C'est le plus beau combat de la gauche, car le travail, c'est le moteur de l'émancipation individuelle », a-t-il affirmé à l'Agence France-Presse. 

Macron a « insulté Jaurès »

Rue de Solferino, au siège du PS à Paris, on se serait bien passé de cette polémique. « On n’est pas obligés de foncer comme un taureau dans l’arène sur tous les chiffons rouges, surtout que ce débat, il a déjà été tranché », commentait ainsi un cadre du PS, devant le port de la Rochelle, qui vise sans la nommer l’aile gauche du PS qui a condamné comme un seul homme les déclarations d’Emmanuel Macron. « Il a insulté Jaurès, Léon Blum, François Mitterrand, Lionel Jospin et Martine Aubry », a accusé le député du Cher Yann Galut. « Je croyais que Nicolas Sarkozy était de retour, mais je n'avais pas compris que c’était au gouvernement », a pour sa part taclé Christian Paul, chef de file des députés socialistes frondeurs.

A La Rochelle, à quelques heures de l’ouverture officielle de la rentrée socialiste, le recadrage de Manuel Valls, qui était en déplacement à Châlons-en-Champagne dans la matinée, n’est pas passé inaperçu. Le Premier ministre, qui sait les militants très remontés, est même allé jusqu’à fustiger les « petites phrases » qui font « mal à la vie publique ». Les Français « n'ont pas besoin de polémiques tournées vers le passé ni de débat sur les temps de travail », a-t-il déclaré.

A son arrivée dans la matinée, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, n’avait visiblement pas très envie d’en rajouter. « Je crois que le Premier ministre a dit ce qu’il fallait dire et donc la polémique est close », a-t-il simplement déclaré. Quelques mots laconiques lancés à la presse qui risquent bien de ressembler à un vœu pieux.

Le message des ex-EELV

Tension chez les socialistes donc, mais aussi tension chez les écologistes. Après le député François de Rugy, Jean-Vincent Placé a lui aussi quitté EELV, ce vendredi matin. Officiellement, c’est la « dérive gauchiste » du parti qui a amené les deux parlementaires à prendre la porte. Mais dans les rangs socialistes, certains préfèrent souligner qu’il y a un remaniement dans l’air, et que celui-ci ira peut-être au-delà du simple remplacement du ministre du Travail, François Rebsamen. Du coup, les désormais ex-EELV envoient là un message d’autant plus clair qu’à l’Elysée, on le dit depuis quelques jours, « si on n’ouvre pas, si on n’élargit pas l’équipe, cela peut donner l’impression que les Verts ne nous intéressent pas. Et élargir sa majorité et sa base électorale, c’est une préoccupation majeure du président en cette précampagne présidentielle. »


 ■ Macron fédère contre lui la plupart des syndicats

Le ministre de l'Economie a également réussi à fédérer contre lui l'ensemble des syndicats, à commencer par la CFDT. Pour sa secrétaire générale adjointe, Véronique Descaq, Emmanuel Macron aurait un « raisonnement un peu primaire ». Pour elle, « faire croire que travailler plus, ça relancerait la croissance, c'est juste une grosse bêtise », ajoute-t-elle. Furieux aussi, Philippe Martinez : pour le secrétaire général de la CGT, la sortie d'Emmanuel Macron, « ce n'est pas une provocation. C'est la ligne de conduite du gouvernement ».

Le ministre a beau assurer qu'il ne parlait pas des 35 heures, cela ne convainc pas les syndicats. Il faut dire que ce n'est pas la première fois que ceux-ci s'inquiètent de sa position sur le sujet. L'an dernier, juste avant d'être nommé ministre, il s'était déclaré favorable à une dérogation aux 35 heures pour certaines entreprises, provoquant déjà l'émotion des syndicats.

Partager :