France: duel à distance entre Marine et Jean-Marie Le Pen

La ville de Nanterre dans les Hauts-de-Seine est sous le feu des projecteurs ce vendredi pour une nouvelle étape de la crise familiale entre les Le Pen, père et fille. Devant la justice, Jean-Marie Le Pen conteste sa suspension du Front national. Au même moment, sa fille Marine lance une procédure d’éviction contre lui devant le bureau politique du FN.

C’est un duel à distance que se livrent ce vendredi 12 juin Jean-Marie Le Pen et sa fille Marine. Le fondateur du Front national conteste devant le tribunal de grande instance de Nanterre sa suspension du parti. Au même moment, à deux kilomètres de là, sa fille lance devant le bureau politique du FN sa procédure d’éviction de son poste de président d’honneur.

L'éviction de Jean-Marie Le Pen quasiment actée avant les débats

« C’est une nouvelle page pour le Front national, pour en finir avec l’insulte », a déclaré l'actuel numéro 2 du FN Florian Philippot, à son arrivée au bureau politique qui se tient ce vendredi matin. Avant même le début des discussions au sein de cette instance du parti, la suppression de l’article 11bis et du statut du président d’honneur est donc actée.

Outre la rédaction des nouveaux statuts du Front national, le bureau politique se penche également sur la formulation des questions qui seront adressées aux adhérents. Les militants frontistes devront se prononcer sur ces nouveaux statuts, dont la suppression du poste de président d'honneur du FN, créé tout spécialement pour Jean-Marie Le Pen en 2011.

Marie-Christine Arnautu, proche du co-fondateur du Front national, plaide contre la suppression du poste de président d'honneur. « Lorsque Marine Le Pen sera dans la position de son père, elle pourra être très contente d'avoir une place honorifique dans le parti », dit-elle. Elle est la seule responsable FN à avoir voté contre la suspension de Jean-Marie Le Pen lors du bureau exécutif de mai dernier.

L'avocat de Jean-Marie Le Pen dénonce un licenciement abusif

Jean-Marie Le Pen avait promis de se battre contre cette décision du Front National, et Me Frédéric Joachim s’en est chargé pour lui, lors de l’audience de ce matin à Nanterre. Dans une plaidoirie de plus d’une heure, l’avocat a comparé la mise à l’écart de Jean-Marie Le Pen à un licenciement, un « licenciement moche » qui plus est, « avec effet immédiat et sans faute grave expressément motivée ».

C’est justement sur les conditions de cette mise à l’écart que se sont concentrés les débats lors d’une audience qui s’est longuement penché sur les statuts du Front national. Pendant ce temps, Jean-Marie Le Pen, fatigué et les yeux clos, se concentrait pour écouter des débats assez techniques. La suspension de Jean-Marie Le Pen de son statut d’adhérent du FN entraîne-t-elle de fait la suspension de son titre de président d’honneur du parti ? C’est l’une des questions auxquelles les juges devront répondre dans leur décision.

A l’issue de l’audience, en fin de matinée, Jean-Marie Le Pen a brièvement pris la parole, pour dire qu’il estimait être la cible d’un processus politique pour couper avec tout ce qu’il représente au Front national. Il estime également que ce ne sont pas ses propos polémiques qui sont en cause et n’ont en fait rien à voir dans son exclusion.

Retour sur une guerre familiale

Des propos polémiques, Jean-Marie Le Pen en a eu encore tout récemment. Jeudi, dans des propos rapportés par le Figaro, il a comparé sa fille au « Führer ». Une sortie qui n’a pas dû plaire aux cadres du parti. Tout comme les précédentes, celles à l’origine du drôle de scénario qui a débouché sur une crise familiale, se transformant au fil des semaines en véritable guerre ouverte. Ce match à distance, Marine Le Pen ne doute pas de le remporter, car selon elle « la procédure est parfaitement régulière ». De toute façon, ajoute Wallerand de Saint-Just, l’un de ses proches, « même s’ils annulent la suspension, ça ne changera rien à l’assemblée générale qui va venir ».

Jean-Marie Le Pen n'a « plus de carte de crédit du FN. On lui refuse l'entrée au mouvement, on a réattribué son bureau, on lui refuse de participer à toutes les instances », a dénoncé son avocat, Frédéric Joachim. L'eurodéputé, bientôt 87 ans, avait saisi le tribunal de Nanterre en urgence pour faire annuler sa mise à l'écart du parti après des propos polémiques dénoncés par la direction de la formation.

En avril, il avait déclaré la guerre à sa fille avec de nouveaux propos incendiaires sur la Shoah, et en prenant la défense du « monde blanc » ou de « l'Europe boréale ». Pour le faire taire, Marine Le Pen avait convoqué en mai le bureau exécutif du FN qui, réuni en formation disciplinaire, a décidé de suspendre le patriarche et de convoquer une assemblée générale dans les trois mois pour le priver de son titre de président d'honneur.

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