Au cours d’un entretien paru ce mardi dans le quotidien Libération, Luz, l’un des dessinateurs emblématiques de Charlie Hebdo, a annoncé qu’il quitterait le journal satirique en septembre citant un manque d'inspiration. « C'est un choix très personnel », explique-t-il. « Je ne sais plus quand je l'ai annoncé à Charlie, poursuit-il, j'ai du mal à juger de la temporalité parce que, pour moi, chaque semaine dure dix mois désormais. »
« Si je me barre, c'est que c'est difficile pour moi de travailler sur l'actualité. Ça n'arrive plus à m'intéresser », argumente ensuite l'auteur de la Une très controversée qui avait représenté Mahomet disant « tout est pardonné » après l'attentat du 7 janvier dernier contre l'hebdomadaire. Fin avril, Luz avait déjà annoncé qu'il ne dessinerait plus le personnage du prophète. « Il ne m'intéresse plus, avait-il dit. Je m'en suis lassé, tout comme de Sarkozy. Je ne vais pas passer ma vie à les dessiner. »
Toujours Charlie
« Beaucoup de gens me poussent à continuer, mais ils oublient que le souci, c'est l'inspiration », poursuit le caricaturiste. S’il a continué à dessiner après l’attaque du 7 janvier c’est, dit-il, « par solidarité, pour ne laisser tomber personne ; sauf qu'à un moment donné, souligne-t-il, ça a été trop lourd à porter ». Après son départ, Luz dit vouloir « faire des livres, prendre du temps » et « relire la bible », avant d'ajouter aussitôt « non, je déconne ! ». Ce jeudi, doit sortir l'album Catharsis, dans lequel il raconte comment il a tenté de se relever après l'attaque.
« Dans quelques mois, je ne serai plus Charlie Hebdo, mais je serai toujours Charlie », résume Luz qui assure au passage que sa décision n'a rien à voir avec les divisions internes qu’a connues l'hebdomadaire ces dernières semaines. En avril, quinze salariés - dont lui-même - sur la vingtaine que compte Charlie Hebdo, avaient réclamé une nouvelle gouvernance et un statut d'« actionnaires salariés à part égale ». Ils s'interrogeaient notamment sur l'utilisation de l'argent rentré massivement dans les caisses depuis l'attentat, grâce notamment à l’augmentation spectaculaire des ventes.
Dernier incident en date, une des journalistes de Charlie Hebdo, Zineb El Rhazoui, avait fait savoir la semaine dernière qu'elle avait été convoquée pour un entretien préalable à un licenciement. La direction avait ensuite assuré qu'il s'agissait uniquement de lui « rappeler ses obligations professionnelles ». La défection de Luz, qui était devenu ces derniers mois le dessinateur vedette de l’hebdomadaire satirique, est un nouveau coup dur pour Charlie Hebdo qui a perdu cinq dessinateurs dans l'attentat du 7 janvier et souhaitait attirer de nouveaux talents.
(Avec AFP et Reuters)