Retravailler les programmes d'histoire, supprimer les classes bilangues, supprimer le grec et le latin ? Autant de perspectives auxquelles les députés de droite s'opposent vigoureusement. Le gouvernement et le Parti socialiste tentent de répondre point par point, niant par exemple l'abandon du latin, du grec et de l'allemand. Ce mercredi, l'Agence France-Presse nous apprend d'ailleurs que la ministre de l'Education nationale a demandé au Conseil supérieur des programmes (CSP) d'approfondir la réflexion concernant les langues antiques.
Mais pour le député UDI Philippe Vigier, la pilule ne passe pas. Le parlementaire d'Eure-et-Loir dénonce « ceux qui veulent niveler par le bas l'enseignement, alors que jamais le niveau des enfants qui rentrent en classe de 6e n'a été aussi faible. Or, c'est une refonte qu'il faut faire, il faut une réforme des collèges, il faut plus d'autonomie. Et puis surtout, surtout, ne pas abandonner les langues ! »
La ministre de l'Education en première ligne
Najat Vallaud-Belkacem essuie aussi son lot de critiques personnelles. En meeting lundi, le président de l'UMP Nicolas Sarkozy a lancé une lourde charge. Parlant d'une réforme « désastreuse, peut-être irréversible, pour notre République », il a lancé : « J'accuse les socialistes d'oublier que la mémoire est la vertu première de la République (...) Dans le combat effréné pour la médiocrité, Christiane Taubira est en passe d'être dépassée par Najat Vallaud-Belkacem. »
Suffisant pour que le Premier ministre Manuel Valls, lors d'une visite à Cenon, près de Bordeaux, en compagnie de la ministre, monte au créneau pour défendre cette dernière : « C'est toujours la même histoire, quand on réforme l'école. Alors, moi je vous le dis : oui, il y a des grands ministres de l'Education nationale dans l'histoire de la République, et j'ai une conviction profonde, Najat Vallaud-Belkacem sera l'une de ces grandes ministres ». Et de rappeler qu'à 37 ans, Mme Vallaud-Belkacem « est la première femme ministre de l'Education nationale dans toute l'histoire de la République ».
Rugueux débat entre la gauche et la droite
« Il est insupportable de voir dans la presse de droite et d'extrême droite ; de voir non pas des dirigeants du Front national - nous sommes habitués -, mais des responsables de la droite, certains intellectuels même qui se réclament de la droite, expliquer qu'aujourd'hui, on ne pourrait plus enseigner l'histoire du christianisme, que nous serions en train d'imposer l'histoire de l’islam », dénonce Manuel Valls.
Et Mme Vallaud-Belkacem de renchérir : « Je crois que Nicolas Sarkozy est, en matière d’éducation tout particulièrement, complètement démonétisé. Mais que voulez-vous que sa parole pèse, quand on est le président de la République qui a participé à la destruction de 80 000 postes dans l’Education nationale, qui a réduit d’une demi-journée la scolarité des enfants en école primaire ; quand on est un président de la République qui a supprimé, détruit la formation des enseignants ? Et c’est cet ancien président de la République qui vient aujourd’hui nous donner des leçons ? »
Pour Patrick Ollier, député UMP des Hauts-de-Seine, la ministre est trop susceptible. « Je regrette que Mme Najat Belkacem en fasse une affaire personnelle, dit-il. Le ministre de l'Education nationale doit être au-dessus de la mêlée. il s'agit de l'éducation de tous les enfants, donc il ne faut pas être partisan dans cette affaire. »
Manuel Valls entend bien aller « jusqu'au bout »
Si quelques voix à gauche se sont élevées contre cette réforme, il y a bien un clivage gauche-droite très net sur le dossier. C'est d'ailleurs ce qu'affirme Bruno Leroux, chef des députés PS qui, face à la levée de boucliers, en appelle au débat d'idées : « Oui, le débat sur l'égalité devant l'accès au savoir, il doit être posé à nouveau. Oui, la capacité à former une élite, elle doit exister. Mais pas au détriment de la capacité à faire en sorte que toute une génération accède au savoir. Et ça, c'est un débat de fond que nous voulons avoir aujourd'hui avec la droite. »
La droite réclame le retrait de cette réforme. Manuel Valls a réaffirmé mardi devant les députés que son gouvernement irait « jusqu'au bout » et « ne reculerait pas ». Les syndicats d'enseignants appellent quant à eux à la grève, le 19 mai prochain.