Marc-David Choukroun : « Ce qui me plaît, c’est de défendre un nouveau modèle d’agriculture »
Je suis cofondateur de La-Ruche-qui-dit-oui. La-Ruche-qui-dit-oui, c’est un site qui met en relation des producteurs et des consommateurs pour acheter des produits locaux à travers un système de communautés. Ça se passe en ligne sur le site internet www.laruchequiditoui.fr. On vient au salon pour rencontrer les gens qui travaillent dans le réseau, donc surtout les producteurs. C’est notre rendez-vous annuel. On a un réseau de 4 000 producteurs qui fournissent les communautés. Mais on rencontre aussi les institutionnels et puis les consommateurs qui viennent passer un moment sur notre stand. Toute la semaine, on va organiser des débats. A partir de lundi, tous les jours il y aura des débats sur notre stand pour discuter des grandes problématiques agricoles avec les différents acteurs.
Ce qui me plaît, c’est de défendre un nouveau modèle d’agriculture, une agriculture en transition en essayant de retourner vers une agriculture plus locale, plus multiple. Et sortir de l’agro-industrie en trouvant un système de vente qui s’adapte à ça. Mes préoccupations sont celles de tout nouveau business. On n’existe que depuis trois ans et on doit gérer la forte croissance de notre réseau. On a aujourd’hui plus de 600 communautés en France qu’il faut soutenir au jour le jour. C’est beaucoup de travail.
Ce que l’on espère, c’est que de plus en plus de Français vont favoriser le principe des circuits-courts et vont retourner à une alimentation de meilleure qualité. Mais aussi comprendre que des bons produits, cela a un prix. Et que si l’on veut bien manger, il vaut mieux acheter peu. Donc payer plus cher pour manger mieux et soutenir les petits producteurs de nos régions.
On est tous inquiets pour la planète parce qu’on a l’impression que malgré nos initiatives, on a du mal à arrêter cette course infernale vers l’agro-industrie, vers l’utilisation de pesticides et toutes ces chose négatives. On sait à présent à quel point ce type d’agriculture est néfaste pour la planète, pour notre environnement, pour notre futur. On espère que, petit à petit, on va aller dans une autre direction. On est optimiste, on le sent. On voit aujourd’hui un ministre de l’Agriculture qui nous parle d’agro-écologie, qui le défend. On espère que ça va dans la bonne direction mais il y a encore beaucoup beaucoup de travail.
Franck Constantin : « On a plus de 85 % de réussite aux examens, tous diplômes confondus »
Je suis le président de la Fédération de l’enseignement agricole public. Nous représentons l’enseignement agricole public, c'est-à-dire les 169 établissements agricoles publics sur le territoire français. Je représente l’ensemble de mes collègues mais je suis personnellement le directeur de l’établissement agricole public de Vesoul en Franche-Comté. Notre particularité, c’est de former aussi bien des collégiens de 4e et 3e que des lycéens, des étudiants mais également des apprentis et des adultes sur un même site dans le cadre de la formation tout au long de la vie chère aux politiques publiques et notamment aux Conseils régionaux.
Notre présence est une mission de service public : renseigner les familles. On n’est pas là pour faire du recrutement. Ça, c’est fait à travers nos journées portes ouvertes. Trop souvent, on a des jeunes qui pensent ‘éducation nationale’ en oubliant l’enseignement école publique avec tout l’emploi qui est derrière. Il faut rappeler que l’on a plus de 85% de réussite aux examens, tous diplômes confondus, du CAP jusqu’aux écoles d’ingénieur. Et puis derrière, on a 85 % d’insertion professionnelle à six mois, ce que l’on ne retrouve pas dans toutes les branches, loin de là.
Ce qui me plaît dans mon travail c’est qu’il est très très varié. Toutes sortes de publics fréquentent nos établissements. Ce qui me plaît aussi, c’est que l’on a seulement 55 % de fonctionnaires. Cela veut dire que nous devons dégager de la plus-value pour payer les salaires. Cela veut dire que l’on a beau être des établissements publics on est en même temps très proche des entreprises. Idem pour les centres de formations pour adultes : on répond à des appels d’offre et, derrière, nos formateurs sont rémunérés avec les prestations de services.
Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est le regroupement des régions (le redécoupage va faire passer le nombre de régions française de 22 à 13 en 2016, ndlr). On voudrait savoir comment la particularité des établissements agricoles va être traitée puisque les régions auront à leur charge les lycées. Nous, on n’a pas envie de scinder la formation des adultes, la formation d’apprentissage et la formation scolaire car c’est intéressant pour nos jeunes et nos jeunes adultes d’aller d’une passerelle à l’autre. Ce que l’on souhaite, c’est que la régionalisation ne fasse pas éclater ce système d’enseignement public.
Ce qui fait aujourd’hui notre force, c’est de coller à l’entreprise. Par exemple, on a entre 150 à 350 apprentis par établissement et notre souhait c’est de continuer à développer notre relation. On ne veut pas former pour former uniquement. On veut former des jeunes sur de l’emploi derrière.
On n’est pas inquiet pour l’avenir de l’agriculture. Il y aura toujours des gens à nourrir sur la planète. Et puis on soutient les politiques publiques, notamment la politique du ministre Stéphane Le Foll actuellement sur l’agro-écologie. Via nos exploitations grandeur nature, il nous demande justement d’inventer aussi des systèmes de production. Un exemple : on est très engagé dans des systèmes de désherbage mécanique sur nos exploitations pour réduire l’utilisation des pesticides, notamment. On travaille aussi beaucoup actuellement sur le GPS et sur tout ce qui est traitement lié aux drones pour, là encore, réduire l’utilisation des pesticides.
Peggy Pascal : « Paradoxalement, 70 % de ceux qui souffrent de la faim sont des agriculteurs »
Je suis agronome et je travaille pour Action contre la faim comme chargée de plaidoyer sur les questions de sécurité alimentaire et de climat. On est là pour rendre visible une campagne qui s’appelle 'génération nutrition', menée conjointement par plusieurs ONG, une campagne dont l’objectif est de rappeler que la lutte contre la faim dans le monde et la sous-nutrition des enfants est une priorité et que les gouvernements doivent faire plus.
Il y a 805 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde aujourd’hui, dont à peu près 180 millions d’enfants, sachant que 1 enfant toutes les 30 secondes meurt de faim chaque année dans le monde.
L’idée c’est de faire en sorte qu’il y ait une mobilisation citoyenne et que les gens sachent qu’il y aujourd’hui des gens qui meurent de faim, qu’on pourrait faire plus, qu’on pourrait faire mieux. On appelle à valoriser l’agro-écologie, à investir plus dans la petite agriculture familiale au Sud. Moi, ce que j’aime, c'est discuter avec les gens qui passent et d’essayer de leur donner les messages principaux de notre combat. L’objectif n’est pas de récolter de l’argent, l’objectif c’est de mobiliser les gens autour d’une cause qui est la sous-nutrition. C’est sûr qu’on a moins de succès que les poules, les dindons, les canards ou les oies qui sont derrière dans ce bâtiment mais on espère qu’il y aura de plus en plus gens et qu’au fil des jours, les gens seront moins avides de voir les animaux et qu’ils s’intéresseront à ce qui se passe dans les pays du Sud et ailleurs.
C’est un rôle un peu ingrat car les gens viennent avant out ici pour avoir de bonnes nouvelles , avoir un moment festif sur le salon alors que nous, notre objectif, c’est de leur dire qu’il y a 805 millions de personnes qui ont faim. Mais notre rôle, c’est aussi de leur dire qu’il y a des solutions pour lutter contre la faim et que, techniquement, on sait faire. On sait que la petite agriculture familiale est en mesure de nourrir la planète aujourd’hui, on sait que des modèles d’agro-écologie sont favorables à l’environnement et aussi à la lutte contre la faim. On veut aussi parler de ces solutions, les mettre en avant et rappeler aussi que la faim c’est un problème politique, bien plus que technique.
Notre objectif, c’est aussi de faire en sorte que les petits agriculteurs au Sud soient autosuffisants et arrivent à produire suffisamment pour nourrir leur famille. Notre combat c’est de sauver des vies en sauvant des enfants qui meurent de sous-nutrition, d’amener l’accès à l’eau potable, à l’hygiène, à l’assainissement. Paradoxalement, 70% de ceux qui souffrent de la faim sont des agriculteurs alors que trois-quarts de la nourriture qui est produite à l’heure actuelle sur la planète est produite par des petits agriculteurs. Pourtant, ce sont eux qui sont le plus impactés par des politiques qui visent à soutenir plutôt une agriculture industrielle, capitalistique, intensive, etc. L’idée, ce n’est pas forcément de produire plus mais de partager mieux.
Bien sûr je suis inquiète par rapport au réchauffement climatique. Ce sont ceux qui y ont le moins contribué qui vont en pâtir le plus. On attend jusqu’à 90 % d’augmentation de la sous-alimentation en Afrique de l’Ouest. Cela veut dire que c’est dans les pays où les gens ont déjà faim qu’ils auront le moins de capacité pour s’adapter. Je suis inquiète mais, d’un autre côté, je me dis que c’est la première fois que l’ensemble de l’humanité doit faire face au même défi. Je suis les négociations climatiques, je vais à l’ensemble des négociations qui vont nous mener à la Conférence Paris Climat 2015 mais j’avoue que pour l’instant ça semble assez difficile de voir les Etats s’accorder sur de vraies solutions et sur la réduction des gaz à effet de serre. Mais il faut continuer à se battre.
Claude Jochmans : « Notre préoccupation première : s’adapter au consommateur »
Nous avons une société en Côte d’Ivoire et cette société exporte une partie de sa production de fève de cacao. Elle est transformée par un chocolatier allemand situé à Brême qui fait des crèmes de chocolat. C’est une approche nouvelle de la pâte à tartiner. Les chocolatiers français ne proposent que du chocolat à casser, du chocolat en tablettes. Nous, nous proposons un produit qui s’approche de celui que tout le monde connaît [le Nutella, ndlr] mais avec des parfums et des saveurs qui sont totalement différents. Nous en proposons pour le moment une trentaine.
C’est la première fois que nous venons au salon et nous cherchons d’abord et avant tout des distributeurs sur l’ensemble du territoire français. Ce qui me plaît dans mon travail, c’est de faire plaisir, et aussi de valoriser les produits qui viennent de Côte d’Ivoire, un pays magnifique. J’ai un parcours assez atypique car c’est parcours affectif : j’ai rencontré une belle Ivoirienne qui m’a fait découvrir son pays [rire]. La Côte d’Ivoire, c’est un pays où il y a tout à faire au niveau de la distribution de ses produits. Nous avons prévu de faire tester nos pâtes à tartiner afin de corriger nos recettes. C’est notre préoccupation première : s’adapter au consommateur.
D’ici quelques années, j’espère avoir structuré une équipe, d’avoir trouvé des réseaux de distribution intermédiaire et des épiceries fines qui soient nos porte-paroles. Inquiet pour l’avenir de la planète, on l’est forcément. J’ai dit récemment au ministre ivoirien de l’Agriculture :« vous avez un jardin d’Eden, il faut absolument le préserver. Ne faites pas confiance à certains pays qui sont en train, malheureusement, de le pervertir ».
Ramata Keita : « Nous avons de bons produits mais l’emballage n’est pas à la hauteur »
Je suis venue vendre les produits. C’est moi-même qui les fais. Je veux montrer le savoir-faire des Maliennes. J’ai du beurre de karité, du miel d’abeille sauvage, du fonio [une céréale comparable au blé, ndlr], du djouka – c’est du fonio mélangé avec de l’arachide – de la farine de millet et du gingembre. Le gingembre, on le met dans le thé, c’est très bien pour les courbatures, la fatigue et la constipation. Le fonio, c’est très facile à digérer et à préparer. Je fournis d’ailleurs le mode de préparation. Et le beurre de karité, c’est bon pour la peau. Ça soigne l’’eczema, ça facilite la cicatrisation aussi.
Ce qui me plaît, c’est de montrer notre savoir-faire en dehors de notre pays. Je suis fière d’être là. Et je suis fière que le Mali soit représenté ici au salon. C’est la 5e fois que je viens au salon de l’Agriculture mais je fais la Foire de Paris et d’autres foires aussi. Je suis allée une fois aux Etats-Unis à New York et je me déplace dans la sous-région au Burkina, en Cote d’Ivoire et au Sénégal..J’ai la chance que le gouvernement malien prenne en charge la location du stand et me laisse une place pour vendre mes produits.
Mon principal souci à l’heure actuelle dans mon métier, c’est l’emballage. On aimerait avoir de beaux emballages. Nous avons de bons produits mais l’emballage n’est pas la hauteur. Nos produits ne sont pas assez mis en valeur.
Je suis très inquiète sur l’avenir de l’agriculture dans mon pays. Il fait beaucoup plus chaud que quand j’étais plus jeune, notamment pendant l’hiver. Cela a des répercussions sur les récoltes. Ici je vais voir les autres stands africains, Côte d’Ivoire, Guinée, Sénégal pour voir s'ils ont des produits que je pourrais utiliser chez moi. La Côte d’Ivoire par exemple fait de la noix de cajou moi, je n’ai pas ça chez moi. Le Burkina Faso fait des bonbons avec les graines de baobab.
Jérôme Kohn : « Les habitudes de consommation sont indéniablement en train de changer »
Je suis directeur du Cervia Paris - Île-de-France, l’Agence alimentaire et agricole de la région Île-de-France. Sur ce salon, nous permettons à des producteurs et à des transformateurs alimentaires d’exposer. Et nous faisons aussi la promotion du « manger local » en Île-de-France auprès des consommateurs. Nos attentes par rapport à un tel salon, c’est que le consommateur francilien et d’autres régions se rende compte que la région capitale est une vraie région agricole, avec un véritable patrimoine et un véritable terroir. Aujourd’hui ce sont 800 produits qui portent la marque Saveurs Paris - Île-de-France qui est une marque régionale. Et ce sont 110 restaurateurs qui sont impliqués dans la démarche sous un label des produits cuisinés ici. C’est aussi une démarche par rapport à la restauration de vente à emporter et la définition d’une stratégie vers la restauration collective. Nous travaillons sur l’ensemble de la filière, du champ à l’assiette.
Les habitudes de consommation sont indéniablement en train de changer en région parisienne. Quel que soit le niveau social, il y a une prise de conscience. Nous le notons sur les marchés, chez les commerçants d’alimentation de détail avec une recrudescence du nombre de clients. Pas forcément sur des paniers plus importants, mais en tous cas sur un nombre de clients plus important. Sur la France en général, il y a un mouvement de fond qui est né de plusieurs facteurs : les crises alimentaires que nous avons connues et une prise de conscience qu’il faut que cette société remette du sens dans sa façon de fonctionner. En fait, c’est une démarche de bon sens : manger local, manger des produits de saison, essayer de faire mieux, lutter contre le gaspillage alimentaire, pouvoir exploiter au maximum le produit . Un bon produit est exploitable au maximum. Un produit de moins bonne qualité est forcément moins exploitable en totalité.
Ce qui est plaisant dans mon travail, c’est de créer une dynamique qui agit à la fois sur le producteur, sur le transformateur, sur le consommateur mais également sur tout un réseau : les restaurateurs, les cuisiniers de la restauration collective … En fait c’est un mouvement d’accompagnement d’une société qui est en train de changer, de bouger. Et ça, c’est passionnant !
Nos principales préoccupations aujourd’hui sont des préoccupations à la frontière : est-ce que l’ensemble des acteurs arrivera à préserver les terres agricoles ? En ce moment, il y a un phénomène de blocage du rognement des terres agricoles. Est-ce qu’on pourra continuer ce mouvement ? Est-ce que la pression ne sera pas trop forte dans l’autre sens ? C’est un premier élément. La seconde crainte serait qu’on ne soit pas suffisamment souple à anticiper de nouveaux modes de culture qui permettent de gagner sur des terres non agricoles. Je pense notamment à l’hydroponie - autrement dit la culture sur eau - qui permet dans des bassins de faire de la culture propre et d’installer des hectares de bassin dans des zones qui ne seraient pas aujourd’hui propres à l’agriculture. C’est une manière de gagner de la terre agricole sur de la friche industrielle. Mais est-ce que l’ensemble des acteurs sont prêts à cela ? Je n’en suis pas sûr…
Pierre Joffre : « En bio, ça ne pardonne pas. Quand il y a une erreur, on la paye cash »
Je suis éleveur de brebis laitières en agriculture biologique à Druelle près de Rodez, dans l’Aveyron. Cette année, on a décidé de mettre en avant la chèvre laitière car nous avons des producteurs qui sont à la recherche de lait dans le cadre de l’agriculture bio car ils ont un fort développement sur ces produits-là. Il se trouve que c’est une production qui n’existe pratiquement pas en Aveyron. On a quelques producteurs fermiers qui transforment sur leur exploitation, notamment des cabécous. On a également deux producteurs qui fournissent des laiteries mais, cela mis à part, on n’a pas de producteurs en agriculture biologique alors qu’on a 250 agriculteurs conventionnels.
Le lait de chèvre bio répond, comme tous les produits bios, à un cahier des charges. Au niveau du sol, on a interdiction d’utiliser les produits phytosanitaires, les pesticides, les insecticides, les fongicides, les désherbants ou, au niveau des engrais, des produits comme l’amonitrate qui est un engrais de synthèse. En ce qui concerne le troupeau en lui-même, la principale mesure c’est la limite dans l’utilisation des antibiotiques par exemple mais surtout d’avoir des animaux qui pâturent à l’extérieur. Ça me paraît incontournable de laisser les animaux pâturer à l’extérieur. Avec les chèvres, il ne faut pas le voir comme une contrainte mais comme un atout : le pâturage c’est source de santé et de bien-être pour l’animal. Et puis c’est aussi une source d’économie parce que l’herbe pâturée ne coûte pas cher, quatre fois moins cher que l’herbe récoltée.
Ce qui me plaît dans mon métier, c’est la complexité du travail avec la nature. Contrairement à ce qu’on peut dire, la nature ne pardonne pas. Elle est complexe et c’est ce qui fait son intérêt. C’est ce qui différencie l’agriculture biologique de l’agriculture conventionnelle. Dans le conventionnel, on a souvent des solutions de rattrapage quand on a un problème au niveau des cultures ou de l’élevage. En bio, ça ne pardonne pas. Quand il y a une erreur, on la paye cash. En ce qui me concerne, il faut que mes animaux soient en bonne santé pour produire une alimentation de qualité. Mais on est payé de retour : quand on respecte l’animal, il nous le rend.
La préoccupation principale, aujourd’hui c’est de développer cette agriculture biologique. On n’est plus dans les années 1960, où on avait affaire à des précurseurs. Aujourd’hui, on est quand même beaucoup plus nombreux. Il faut pour autant convaincre, arriver à convaincre ceux qui sont encore en conventionnel. On a une demande du consommateur qui progresse - les sondages le disent - mais cela reste encore une production marginale. On a besoin de nouveaux producteurs, de gens qui franchissent le cap, et qui aient le courage de dire « l'agriculture biologique, j’y vais ».On est forcément inquiet sur les questions environnementales. Quand on regarde la qualité et la disponibilité de l’eau, l’alimentation en général, on ne peut qu’être inquiet. Quelles que soient les époques, on est toujours à 800 millions de personne qui souffrent de malnutrition alors qu’il ya des richesses partout sur la planète. Donc je suis inquiet sur le plan environnemental mais aussi sur le plan humain et social.
Frédéric Rota : « Notre atelier n’a quasiment pas évolué depuis plus d’un siècle »
Nous sommes la fonderie Obertino-Charles. Nous venons de Labergement-Sainte-Marie, dans le Haut-Doubs, le massif du Jura. Nous fabriquons des cloches en bronze et des colliers en cuir et nous venons ici rencontrer nos clients de toutes les régions. Nous sommes une entreprise familiale, cinq personnes entre l’atelier et le magasin. Cela fait trente ans que nous venons au salon. La clientèle a pas mal évolué depuis trente ans. On rencontre les gens de toutes les régions de montagne, l’Auvergne, les Pyrénées, les Alpes mais on touche aussi un public de passage qui achète des petits souvenirs. Ou qui prennent des idées de cadeau sur notre stand comme les cloches de maison ou les cloches avec inscriptions parce qu’on fait beaucoup de cloches avec des inscriptions dessus pour offrir à toutes les occasions. Nos produits s’adressent principalement aux vaches mais on travaille aussi pour les chèvres, les moutons, tous les autres animaux, même les chiens avec des colliers et des grelots.
Ce qui me plaît, c’est le travail artisanal. Travailler avec mes mains. Il faut aimer ça, c’est un travail physique et difficile mais on a la satisfaction de faire un produit 100% artisanal. On fait à la fois un travail de fonderie sur nos cloches qui sont en bronze, un alliage de cuivre et d’étain qu’il faut monter à 1 300 degrés et verser dans le moule qui a été préparé la veille. On fait aussi un petit peu de forge car on travaille le fer et bien sûr un travail de bourrellerie car on fait le travail du cuir.
Notre gros problème en ce moment, c’est l’approvisionnement en matières premières. Le cuivre et l’étain, c’est un peu la folie au niveau des prix depuis 2008. Et au niveau de la qualité aussi, on commence à avoir du mal à en trouver. On ne peut pas en commander 10 tonnes, on est des petits consommateurs mais les entreprises ne livrent pas forcément en petites quantités.
Et puis comme on n’est pas du tout mécanisé, on a énormément d’heures de travail. Donc on a un produit dont on ne va pas dire qu’il est cher mais ça n’est pas du bas-de-gamme ! Une cloche pour les jeunes vaches, ça va tourner entre 50 et 100 euros, et pour une vache adulte ça va aller entre 100-150 jusqu’à 250 euros. Après, il y a les grosses cloches avec les colliers décorés et ornés qui sont gardées pour les concours et les festivités. Et là, on peut atteindre les 500-600 euros.
Notre atelier n’a quasiment pas évolué depuis plus d’un siècle. On travaille toujours avec les mêmes outils, le même système de fabrication. Nous, notre projet est simple : on veut garder ce qu’on sait faire et essayer de le transmettre. On n’a pas envie de s’agrandir ni de faire un atelier moderne. On veut garder notre produit avec la qualité dont on a le secret. C’est vraiment notre seul but. On est la seule fonderie artisanale de France. On a un seul concurrent et il est issu de notre famille car la famille s’est scindée en deux dans les années 1920. L’autre fondeur est un peu plus important car il est un peu plus mécanisé que nous. Nous, on est resté dans l’atelier d’origine, on a toujours travaillé de la même façon.
Inquiet pour l’avenir de la planète, on l’est forcément. On est en région de moyenne montagne. Depuis vingt ans, le réchauffement climatique on le ressent vraiment. Les saisons qui ne se font plus, surtout les hivers, tout bizarres. Des fois, on n’a pas de neige, des fois elle revient tout d’un seul coup. Les petites stations de moyenne montagne commencent vraiment à avoir des problèmes.
Delphine Smagghe : « Aujourd’hui, 70% de nos produits alimentaires sont d’origine France »
Je suis vice-présidente en charge du développement durable et des relations extérieures pour McDo France. McDo a un stand ici pour la quinzième année consécutive pour valoriser tout le travail qui est fait tout au long de l’année avec les partenaires agricoles. On a aujourd’hui une politique d’achat qui est basée sur le partenariat de long terme avec l’ensemble des acteurs des filières, nos fournisseurs, les coopératives mais aussi les agriculteurs et les éleveurs. C’est important à un moment donné pendant les neuf jours du salon de montrer ces partenariats de long terme avec les filières. Le salon, c’est donc l’occasion de rencontrer les acteurs des filières avec qui on travaille tout au long de l’année mais aussi, parfois, de signer des contractualisations intéressantes pour l’ensemble des acteurs des filières. Sur la filière blé par exemple cela va de l’agriculteur en passant par les coopératives, les meuniers, notre fournisseur de petits pains et McDonald’s. Aujourd’hui 70 % de nos produits alimentaires sont d’origine France et 100 % d’origine européenne. Dès qu’on le peut, on est dans une stratégie d’approvisionnement « origine France ».
Ce qui me plaît beaucoup dans mon travail, puisque j’ai la double casquette relations extérieures et développement durable, c’est qu’on a bâti une stratégie développement durable qui est vraiment tournée vers l’extérieur. On ne l’a pas bâtie seuls, nous McDonald’s, mais bien en partenariat avec de nombreux acteurs : les agriculteurs, les éleveurs, des associations, des instituts techniques. C’est cette ouverture dans les démarches de développement durable qui m'intéresse.
La restauration rapide et le développement durable sont compatibles : on a une démarche d’agro-écologie qui vise à réconcilier une activité qui demande à évoluer avec 2 millions de clients par jour et une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Nous avons un plan à 10 ans que l’on a construit avec les filières. Il vise à allier les volumes et les rendements pour les agriculteurs à une meilleure empreinte sur l’environnement tout en gardant les exigences qualité que McDonald’s demande. L’enjeu à venir, c’est de déployer petit à petit les cinquante bonnes pratiques qui ont été testées dans trente fermes de référence depuis quatre ans. Dès qu’une bonne pratique est jugée probante, elle se déploie petit à petit dans nos bassins de production.
On a un objectif très précis chez McDonald’s : réduire de 60 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 sur le périmètre du restaurant, et de moins 20 % de gaz à effet de serre d’ici 2020 pour l’ensemble du périmètre de McDo, à savoir les restaurants et aussi l’impact environnemental lié aux filières. Il faut rester optimiste. L’agriculture va peut-être bouger et se moderniser mais elle devra prendre en compte les contraintes environnementales auxquelles elle va devoir faire face dans les années à venir. Mais le monde agricole est très conscient de ça aujourd’hui.
Philippe Rochart : « En ce moment, on est confronté à un discours un peu "anti-lait" »
Je suis responsable de toutes les activités hors-média au sein de l’interprofession laitière. Nous avons 845 m2 d’espace pour présenter la filière laitière. La Maison du lait regroupe l’ensemble des trois fédérations : la Fédération nationale des producteurs de lait de vache, la Fédération nationale des coopératives laitières et la fédération nationale des industries laitières. Notre rôle est de promouvoir le lait et les produits laitiers sur le marché français en dehors de toute considération de marques. Nous venons ici pour rencontrer le grand public, expliquer ce qu’est le lait, d’où il vient et comment on le transforme en produits laitiers. Et puis nous accueillons aussi les professionnels laitiers qu’ils soient producteurs ou transformateurs.
La thématique que l’on a retenue cette année c’est la thématique de la diversité. Il y a trois grands espaces : un sur la diversité des paysages , un autre sur la diversité des fermes laitières pour montrer que l’éleveur ne travaille pas de la même manière dans une zone de montagne et dans une zone de plaine, et enfin la diversité des produits en montrant qu’avec le lait, on peut créer des milliers de produits.
Ce qui me plaît c’est de créer un espace pour le grand public et de monter des animations grand public. On est très présent ici car le Salon c’est véritablement la vitrine de l’agriculture. Mais on est également présent au niveau national sur une soixantaine de manifestations tout au long de l’année : foires agricoles, fores expositions, fermes en ville… Je sillonne la France 250 jours par an. La préoccupation aujourd’hui c’est de pouvoir répondre à toutes les questions dans la mesure où on est confronté à un discours un peu « anti-lait ».
On veut communiquer sur les produits mais on veut pour les années à venir mettre aussi l’accent sur les métiers du lait, donner envie à des jeunes soit de reprendre des exploitations laitières existantes - il y a encore aujourd’hui 70 000 producteurs de lait en France - soit les métiers d’avenir dans le domaine de la transformation. Il y aussi des opportunités pour des jeunes d’aller travailler à l’étranger car de grands groupes français sont en train de racheter des sociétés en dehors de nos frontières.
Nous avons bien entendu des inquiétudes sur l’avenir de la planète en terme environnemental surtout le problème du réchauffement climatique. C’est pourquoi nous accordons une grande importance à la conférence sur le climat qui va se tenir à Paris au mois de novembre.