Rafale: les dessous d’une vente qui tombe à pic

En vendant 24 Rafales à l’Egypte, la France a mis un terme à une quinzaine d'années de déconvenue. Retour sur les conditions de la première vente à l’export d’un avion de chasse qu’on a longtemps cru maudit.

Beaucoup commençaient à se demander si cet avion trouverait un jour preneur à l'étranger. On se souvient des négociations au Brésil, le Rafale était donné gagnant par Nicolas Sarkozy et puis finalement rien. Aux Emirats arabes unis aussi, où les discussions traînent depuis 2009. Quant au Maroc, le contrat fut annulé au dernier moment alors que tout était prêt. « L'équipe France », comme on l'appelle, n'était pas vraiment en ordre de marche à cette époque. Résultat, les Marocains ont achetés le F-16 américain.

Ce coup-ci, la négociation a été rapide. En ligne directe entre les présidents al-Sissi et Hollande, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian et les grands patrons de l'industrie d'armement française. Pas d'interférence sur la ligne, le courant est passé.

Geste commercial

Mais il faut dire que c'était un accord de gré à gré. Il n'y avait pas de concurrents, les Egyptiens voulaient le rafale et ils l'ont dit en septembre dernier au ministre français de la Défense. Restait à trouver une solution pour financer cet énorme contrat, car l'économie égyptienne est en grande difficulté. Tout le monde s'est mis autour de la table. Les banques, les industriels, les partenaires stratégiques de l'Egypte et la France.

Paris a fait un effort important, en garantissant de l'ordre de 50 % du contrat. Un effort qu’a justifié François Hollande : « Je considère que dans le contexte actuel, c’est très important que l’Egypte puisse agir pour la stabilité et être en sécurité, compte tenu de la frontière commune avec la Libye et de la lutte contre le terrorisme. » Au final l'Egypte pourra donc disposer d'un avion de combat très évolué dans les années à venir.

Une nouvelle zone d’influence pour la France

Cette vente représente également pour la France une percée dans un pays longtemps dominé par les USA. L'Egypte donne l’impression d’avoir changé de partenaires. Du temps du président Hosni Moubarak, les militaires égyptiens avaient reçu des milliards de dollars d'aide américaine - 68 milliards selon le service de recherche du Congrès aux Etat-Unis.

Cela a duré de 1979 à 2011. Puis suite à la révolution, la chute de Moubarak, l'arrivée de Mohamed Morsi suivie d'Abdel Fattah al-Sissi, les Américains ont suspendu leurs livraisons de F16, alors même que l'Egypte est en guerre contre des mouvements affiliés à l'Etat islamique.

Le Caire se rapproche des pays du Golfe, les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite, qui eux aussi souhaitent tenir à distance le groupe EI.

Finalement tout ça n'est pas très nouveau. Après la rupture soviéto-égyptienne dans les années 1970, c'était déjà l'Arabie saoudite qui avait financé l'achat d'une tranche de mirages 5 à l'Egypte. Ce qui à l'époque avait fait le bonheur des industriels français de l'armement et marqué une nouvelle ère de coopération technique et militaire.


Les détails du contrat

A Paris, au ministère de la Défense, on tient à le signaler, l'Egypte est capable de financer sur fond propre la moitié du contrat d'armement conclu avec la France. Pour le reste, elle aura recours à des prêts accordés par les banques françaises, avec une garantie de l'Etat.

On en sait un peu plus sur la commande de l'armée égyptienne. 24 Rafales, dans une version très proche de celle de l'armée de l'air française, mais débarassée de la capacité nucléaire. Seize biplaces et 8 monoplaces ont été achetés. Les 3 premiers avions, initialement destinés à la France, seront prélevés sur la chaîne du constructeur et seront livrés dès juillet 2015. Selon les informations de RFI, 3 autres avions devraient être livrés en 2016, puis 3 encore en 2017, et le reste à partir de 2018. De sources concordantes, la formation des pilotes égyptiens devrait débuter sous peu.

 

Pour la frégate Fremm, il s'agit de la frégate Normandie, destinée à la marine nationale, mais qui sera finalement livrée à l'Egypte, probablement au mois de juin. Côté armement, la frégate sera vraisemblablement débarrassée de ses missiles de croisière, mais les Rafales égyptiens emporteront des bombes de précisions, et des missiles Black Saheen, d'une portée estimée à 200 kilomètres .
 

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