Après une journée noire à Marseille, Manuel Valls tente de rassurer

Rien ne s’est passé comme prévu ce lundi 9 février pour Manuel Valls à Marseille. Ce déplacement devait être l'occasion de parler des avancées en matière de sécurité. Mais voilà, le matin même, des individus ont tiré à la kalachnikov dans la cité sensible du 15e arrondissement de la ville. Le lendemain, le Premier ministre a tenté de rassurer sur les réussites des forces de l'ordre depuis deux ans.

Il avait pourtant placé beaucoup d’espoirs dans cette visite, Manuel Valls ! Il s'agissait de sa première venue à Marseille dans le costume de Premier ministre. Marseille, une ville ou le gouvernement a beaucoup investi depuis le début du quinquennat. En novembre 2013, Jean-Marc Ayrault était ainsi venu annoncer un plan d'aide de plusieurs milliards d'euros en faveur des transports, de l'emploi et de la sécurité.

Le prédécesseur de Manuel Valls s’était rendu à ce moment-là à la Castellane. Une visite sous haute sécurité, quasiment un policier en civil pour chaque journaliste. Cette fois-ci, non seulement Manuel Valls n’y a pas mis les pieds, mais les projecteurs ont été braqués juste avant sa venue sur un grave problème de sécurité dans cette cité des quartiers Nord de la ville. De quoi lui gâcher sa visite. A l’arrivée à la mairie, sa pose était républicaine, mais avec Manuel Valls en difficulté sur le terrain, une certaine satisfaction se lisait sur les visages des élus majoritairement UMP.

Quant à l’unique maire de secteur socialiste, la rescapée des municipales Samia Ghali, elle ne mâchait pas ses mots, comme toujours. « J’en ai ras-le-bol du blabla, s'exclame-t-elle, qu’ils le gardent pour eux, moi j’ai besoin maintenant d’action sur le terrain. J’en ai ras-le-bol de gens qui passent leur temps à faire réunion sur réunion. »

Enervement mal contenu

Le tout nouveau maire FN des quartiers Nord distribuait des tapes dans le dos. Les éclats de rire étaient légion. Stéphane Ravier savourait le moment : « C’est l’illustration du fossé qui sépare l’autosatisfaction des statisticiens du ministère de l’Intérieur jusqu’au Premier ministre, et la réalité du quotidien des Marseillaises et des Marseillais. »

Les événements du matin revenaient en boucle, et au fur et à mesure, Manuel Valls a eu du mal à contenir son énervement. Il pensait son opération de communication parfaitement réglée, lui qui aime tant qu’au gouvernement, on souligne son savoir-faire. Quand les questions sur les événements à la Castellane se firent trop répétitives à son goût, sa réponse a claqué :

« Vous remarquez que quand il n’y a pas de règlements de compte, on n’en parle pas, et quand il y a un début de règlement de compte, on s’y précipite. » Puis il s’énerve carrément face aux questions insistantes de la presse : « Ça fait un événement, ça vous permet d'en parler, c'est bien. C'est bien, je suis content pour vous. »

« L’Etat est en train de reconquérir depuis deux ans ces quartiers »

Le lendemain, toujours à Marseille, Manuel Valla s'est réveillé avec une presse régionale locale qui titrait unanimement sur les tirs de kalachnikovs. « Le défi à l'Etat », titrait ainsi La Provence à sa Une.

Revenant sur ces événements, le Premier ministre a donc adopté un ton plus posé que la veille, demandant de la patience pour les enquêteurs. « C’est souvent cette incompréhension qui surgit, après des actes inacceptables et insupportables, qui ne m’étonnent pas, parce que, ici, nous savons que les réseaux mafieux sont particulièrement forts, qu’ils ne supportent pas, qui n’acceptent pas que l’Etat est en train de reconquérir depuis deux ans ces quartiers. »

Le Premier ministre a tenu à rassurer la population, en promettant que les auteurs des coups de feu seraient poursuivis et arrêtés« Je veux dire aux habitants de la Castellane comme de Marseille, que nous nous sommes attaqués à ces trafics, que nous avons fait baisser la délinquance - pas encore suffisamment, mais nous allons poursuivre -, et ceux qui se sont livrés aux tirs, hier, qui visaient des policiers, qui auraient pu tuer, seront appréhendés. Personne ne peut avoir le moindre doute, mais il faut laisser les enquêteurs travailler dans la sérénité. Il y aura des résultats. »

Professeurs en colère

Cette mauvaise journée, Matignon espérait la contrebalancer avec cette dernière matinée aux côtés chômeurs en réinsertion ou en stage, de jeunes remotivés, tout ça grâce aux moyens de l'Etat : les milliards annoncés par Jean-Marc Ayrault en novembre 2013. Sauf que Manuel Valls était attendu devant un lycée du centre-ville par des professeurs en colère, contre des moyens qui leur sont retirés. Ils étaient venus du département voisin du Vaucluse, et l'ambiance était houleuse.

Manuel Valls s'est donc rendu à un autre rendez-vous non prévu à l'agenda, pendant qu'on déplaçait les professeurs derrière une barrière de CRS, à plusieurs mètres de son lieu d'arrivée. Trop tard, c'était encore raté pour les belles images. « Reconstruire, ça prendra une génération », prévenait Manuel Valls ce matin. Sécurité, chômage, ghettos urbains : les Français et les Marseillais attendent des résultats, et pour ça c'est promis, Manuel Valls reviendra dans la deuxième ville de France fin avril.

→ Écouter l'Invité France de RFI, qui revient sur les dessous de la fusillade

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