Dix ans de la loi Handicap: les espoirs déçus

C'est un anniversaire au goût un peu amer. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances promettait aux dix millions de personnes handicapées vivant en France une pleine citoyenneté et l'intégration parmi les autres. Dix ans après, le bilan est décevant. Malgré quelques avancées, les retards dans la mise en application de la loi sont criants et le quotidien des personnes concernées relève bien souvent d'un parcours du combattant.

Chômage

Sentiment d'injustice, désespoir, colère : de nombreuses personnes handicapées s’estiment exclues et désabusées. Depuis dix ans, leur vie n'a quasiment pas changé. 25 % d'entre elles sont au chômage. Des dispositifs existent, certes : les entreprises de plus de vingt salariés ont par exemple l'obligation d'employer au moins 6 % de personnes en situation de handicap, sous peine d'amende. Mais l’invalidité rebute encore les employeurs qui préfèrent bien souvent payer les pénalités que recruter des handicapés.

Précarité

Des dizaines de milliers de personnes handicapées vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté. L'allocation aux adultes handicapés (AAH) s'élève à 800 euros en moyenne, la pension d'invalidité à 550 euros. Et l'Etat reste sourd à la proposition de créer un revenu d'existence minimum, égal au SMIC, pour ceux qui ne peuvent pas ou ne peuvent plus travailler à cause de leur handicap ou de leur maladie invalidante.

Maisons départementales du handicap

La loi de 2005 a créé les Maisons départementales du handicap. L'objectif était de mettre en place ce que l'on appelait à l'époque « un guichet unique » où les personnes handicapées pourraient s'informer, déposer une demande de prestation, être aidées et accompagnées. Mais ces lieux censés jouer un rôle central pour le public en situation de handicap croulent sous les demandes et les délais de réponse peuvent aller jusqu'à dix-huit mois. Pire, comme le précise Arnaud de Broca, secrétaire général de la fédération nationale des accidentés de la vie, ces réponses sont souvent formelles. Les personnes lourdement handicapées, ayant besoin d’une assistance continue, peuvent par exemple être orientées vers des établissements, dans lesquels, après vérification, il n'y a pas de places.

Scolarisation des enfants

Contrairement aux promesses de la loi, la scolarisation des enfants handicapés dans des écoles ordinaires n'est pas devenue la règle. Selon Christel Prado, présidente de l'UNAPEI, fédération de familles de personnes handicapées mentales, 13 000 enfants ne sont même pas scolarisés du tout, faute de structures adaptées à leur handicap. De nombreuses familles sont obligées de chercher des solutions éducatives à l'étranger, notamment en Belgique. Si elles en ont les moyens, bien évidemment…

En revanche, la France peut mettre à son actif des avancées sur la professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire, ces personnes qui accompagnent les enfants à l'école et qui les aident à faire leurs devoirs à domicile. 28 000 de ces auxiliaires doivent être recrutés en contrat à durée indéterminée d’ici six ans.

Accessibilité

La disposition phare de la loi de 2005, qui avait fixé un délai de dix ans à tous les lieux publics et aux transports pour se rendre accessibles aux personnes à mobilité réduite, n'a pas été respectée. La secrétaire d'Etat chargée du handicap, Ségolène Neuville, a indiqué l'été dernier que sur plus d'un million d'établissements recevant du public moins d'un sur trois était aux normes. La solution retenue par le gouvernement d'accorder des délais supplémentaires aux retardataires ne cesse de soulever de très vives protestations. « Ne pas pouvoir accéder aux soins, ne pas pouvoir aller chez un dentiste, ou chez un ophtalmo - s'indigne Jacques Zeitoun de l'association des paralysés de France - c'est incroyable ! Ne pas pouvoir se déplacer librement, ne pas pouvoir accéder à un emploi, c'est révoltant. C'est révoltant de devoir se battre pour accéder à des biens et des services pour l'accès desquels le citoyen lambda ne se pose plus de questions. »

« Nous n’implorons pas la charité, l’assistance - ajoute Philippe Chazal, président de la confédération française pour la promotion sociale des aveugles - nous réclamons de pouvoir vivre dans une société ouverte à tous, d’être citoyens. » Comme l’a prévu la loi du 11 février 2005…

 

Partager :