France: la Fondation Abbé Pierre publie son 20e rapport

Après un rapport public choc qui préconisait la semaine dernière de réformer en profondeur la politique du logement en France pour la rendre plus efficace et moins coûteuse, c'est au tour de la Fondation Abbé Pierre de publier son 20e rapport sur l'état du mal-logement. Le président de la République, François Hollande l’a reçu en avant-première le 2 février. Ce mardi 3 février, le rapport est présenté publiquement à la Porte de Versailles à Paris.

La Fondation Abbé Pierre réunit autour d’une table ronde quatre ministres du Logement gauche/droite confondues, aux responsabilités ces dernières années, pour leur poser la question suivante : comment se fait-il que la France, contrairement à d'autres pays européens, n'arrive pas depuis plus de vingt ans, à sortir de la crise du logement ?

Constats douloureux

Depuis vingt ans, malgré différents dispositifs, la crise du logement frappe toujours plus fort. 3,5 millions de personnes en sont aujourd'hui victimes. Le nombre de sans-abri a augmenté depuis 2001 de 50 %. 141 000 personnes, adultes et enfants, sont aujourd’hui contraintes de dormir dans la rue, dans un jardin public, une gare, une cage d’escalier, en camping ou dans des abris de fortune … Le 115, numéro d’urgence qui gère les places dans des centres d’hébergement, de plus en plus saturés, satisfait à peine une demande sur deux. De plus en plus souvent, il se résigne à proposer aux familles des nuitées d’hôtel, solution chère, provisoire et très insatisfaisante.

Les listes d’attente pour un logement social ne cessent de s’allonger. En 2014, 1,8 million de demandes ont été enregistrées. Chaque année, seulement un quart obtiennent une réponse positive. 55  000 familles reconnues par l’Etat comme prioritaires pour être relogées (la loi DALO de 2007) ne le sont toujours pas et sont obligées de rester dans des logements insalubres, dangereux, inadaptés à leur âge ou à leur handicap. Dans un contexte de crise économique interminable, les prix de l'immobilier ont doublé et les loyers ont augmenté de 50 %.

La crise du logement s’enracine en France

Les causes de cette situation, on les connaît : la France ne construit pas assez de logements et en particulier de logements à bas coût. La loi SRU de 2001, qui oblige les communes de plus de 3 500 habitants à avoir au minimum 20 % de HLM, n'est pas respectée partout. Résultat : une pénurie de logements et de graves inégalités territoriales. Pourtant, selon Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, la question d’une meilleure répartition de l’offre de logements à loyer accessible devrait être au cœur du contrat social et républicain. Autrement, souligne-t-il, on concentre les personnes dans les seuls territoires où le logement reste accessible à leurs faibles ressources, parce qu’elles ont un Smic ou trois quarts d’un Smic. On crée ainsi des ghettos de pauvres, qui sont une véritable bombe à retardement…

Mais, s’il y a des ghettos de pauvres, ajoute Christophe Robert, c’est parce qu’il y a aussi des ghettos de riches et que certaines communes ferment la porte aux plus fragiles, aux plus modestes et aux classes moyennes inférieures, qui ont de plus en plus de mal à trouver un logement proche de leur travail et correspondant à leurs ressources ainsi qu’à la taille de leur famille.

Remettre à plat la plupart des dispositifs d’aide

Face à ce constat, la Fondation Abbé Pierre appelle à produire massivement des logements économiquement accessibles et à adapter cette offre à la demande sociale et territoriale. Elle rappelle que François Hollande a promis lors de sa campagne présidentielle de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. En 2014, moins de 300 000 appartements ou maisons ont été construits et seuls 120 000 logements sociaux ont été mis en chantier. Aujourd’hui, la France manque de 500 000 à 800 000 logements et elle ne fait rien pour inciter à en construire plus.
Soixante-et-un ans après l'appel historique de l'Abbé Pierre en faveur des sans-abri, l'association qui porte son nom, estime également qu’il est temps de remettre à plat la plupart des dispositifs d’aide. Pensés il y a 25 ans, ils ne sont plus calibrés pour répondre à l’étendue de la crise. Dans son 20e rapport, elle pointe avec amertume un changement de cap du gouvernement qui a réorienté, selon elle, sa politique vers les plus aisés en abandonnant les propositions de la loi Alur, l’encadrement des loyers et la garantie locative universelle.

Un plan triennal pour l’hébergement et l’accès au logement

En répondant aux reproches de la Fondation Abbé Pierre, l’exécutif a d’ores et déjà assuré que ses objectifs en termes de lutte contre le mal-logement restent les mêmes. La ministre du Logement, Sylvia Pinel doit présenter un plan triennal pour l’hébergement et l’accès au logement des plus démunis. Dans le cadre de ce plan, les moyens destinés à l’urgence devraient être redirigés progressivement vers des solutions d’hébergement plus pérennes. Des hébergements alternatifs seront proposés à 6 000 demandeurs d’asile, accueillis actuellement à l’hôtel. Et pour finir, des familles provisoirement hébergées à l’hôtel se verront proposer un accompagnement social renforcé.

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