Parler-vrai revendiqué en bandoulière, Manuel Valls le souligne lui-même, « j’avais dit qu’il y avait des dizaines de Mohammed Merah en France ». Il est revenu, ce lundi 19 janvier, sur les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre le terrorisme. Un des objectifs à ses yeux est de combattre les inégalités pour refonder la citoyenneté. Un terme qu’il dit préférer à celui d’intégration. Le Premier ministre a parlé à cette occasion « d’apartheid territorial, social, ethnique » à propos de certaines zones de l'hexagone.
Des propos qu’il avait déjà employés en 2005, juste après les émeutes en banlieue, et qui ont beaucoup fait réagir, ce mardi, à l’Assemblée nationale. Certains, comme Pierre Lellouche, les jugeant « excessifs ». « Je trouve que ça n’aide en rien, ajoute le député UMP. Je sais ce qu’était l’apartheid du temps de l’Afrique du Sud. C’était l’interdiction, pour toute une partie de la population sudafricaine d’accéder à des emplois, de se développer, et je n’ai pas l’impression que la République fasse cela. Au contraire. »
L’utilisation de ce terme gène aussi certains députés de gauche, même si au Parti socialiste, beaucoup d’élus le jugent parfaitement adapté pour décrire la situation de certains quartiers. C’est notamment le cas du député PS Philippe Doucet. « Chacun sait que dans notre pays, il y a des territoires entiers, qui sont discriminés, mis à part. Vous avez des logiques de ghetto qui se font, d’entre-soi qui amènent de fait à un apartheid. »
Réponses concrètes
Un sentiment partagé par l’élu socialiste frondeur Christian Paul, pour qui le gouvernement doit maintenant proposer des solutions. « Il ne faut pas être choqué par les mots, explique-t-il, ce sont les réalités qui sont choquantes, et auxquelles il faut apporter des remèdes massifs. Nous attendons donc du président de la République, du gouvernement, des initiatives pour que ces territoires oubliés de la République puissent trouver dans l’action publique, des réponses concrètes. »
Ces réponses, Manuel Valls devrait les développer ce mardi. Parmi les annonces attendues, plus de moyens pour les services de sécurité et de renseignement, mais aussi un plan de lutte contre la radicalisation, en prison et sur Internet. Rien n'a filtré, hier, lors des questions au gouvernement. Pourtant, elles suscitent beaucoup d'attentes, à gauche comme à droite
Pour Sébastien Huyghe, député UMP du Nord, il s’agit de bonnes pistes, mais ce n'est pas suffisant. « Nous espérons que le Premier ministre ait pu entendre nos propositions et en reprenne certaines. La déchéance de la nationalité, mais aussi faire en sorte que ceux qui sont partis faire le Jihad à l’extérieur de nos frontières, et qui portent une double nationalité ne puissent plus revenir sur le territoire français. »
« Peine d'indignité nationale »
Chez les députés PS, il y a une mesure de l'UMP qui plaît, la création d'une « peine d'indignité nationale », qui priverait les terroristes de leur droit de vote, par exemple. Eduardo Rihan Cypel (Seine et Marne) n'est pas contre, mais cette mesure, elle viendrait après le passage à l'acte, et pour lui, c'est surtout avant qu'il faut agir. « Il faut lutter contre ceux qui veulent porter atteinte contre nos intérêts, et ce sont des gens qui ont une préparation militaire, avec des moyens d’armement lourd. C’est ça qu’il faut aujourd’hui contrer. »
Avant ça, il faut surtout prévenir la radicalisation, un rôle qui revient en partie à l'école... des mesures en matière d'éducation seront également annoncées aujourd'hui.
Michelle Alliot-Marie : « sur le diagnostic, un grand nombre de personnes partagent la même analyse »
Invitée sur RFI, l'ancien ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie partage le constat du Premier ministre Manuel Valls, même si à l'« apartheid », elle préfère parler d'un problème de « cohésion sociale ».