L’ancien chef de l'Etat - actuellement en campagne pour conquérir la présidence de l'UMP - a vite compris tout le bénéfice qu'il pouvait tirer de ce poker menteur entre le secrétaire général de l'Elysée Jean-Pierre Jouyet et son ancien Premier ministre François Fillon. Que les deux hommes aient ou non discuté en juin dernier des affaires à l'UMP, que François Fillon ait ou non demandé à l'Elysée d'accélérer les procédures judiciaires contre Nicolas Sarkozy, pour l'ex-président cet imbroglio tombe en tout cas à point nommé. Lui qui n'a eu de cesse ces derniers mois de dénoncer l'existence d'un cabinet noir à l'Elysée, de fustiger la volonté du pouvoir d'ourdir un complot pour empêcher son retour, il voit aujourd'hui ses accusations en quelque sorte justifiées, même si pour l'heure rien n'est encore prouvé.
Peu importe, Nicolas Sarkozy joue sur du velours et passe à l'offensive, sur le mode « feu à volonté contre l'Elysée ». Comme il l'a fait lundi soir lors d'un meeting à Caen. Sans jamais nommer François Hollande, l’ex-président a sorti le bazooka pour dénoncer « le mensonge, comme pratique quotidienne du pouvoir en place », avant d’attaquer un exécutif qui, selon lui, « donne le sentiment de vouloir instrumentaliser en permanence la justice ». Voilà pour le grand air bien connu de la victimisation. Autre bénéfice, cette affaire Jouyet-Fillon offre également à Nicolas Sarkozy l’opportunité de se présenter en « rassembleur de sa famille divisée ». C'est le message qu'il a martelé à nouveau, lundi, se montrant d’ailleurs magnanime avec François Fillon, en refusant « toute polémique avec les membres de sa famille politique ». En tout cas pour l'instant.
Fillon et Jouyet restent dans l'œil du cyclone
Si pour l'heure Nicolas Sarkozy joue les rassembleurs - dans l’optique bien sûr de l’élection du 29 novembre pour la présidence du parti -, dans son entourage en revanche, les couteaux sont déjà tirés contre celui qui aurait - les sarkozystes n'en doutent pas - « sollicité l’aide de l'Elysée pour accélérer la pression judiciaire » contre leur champion. Et l'on voit déjà poindre l'heure des règlements de compte quand l'élection à la présidence de l'UMP sera passée. « Ça sent le croc de boucher », ironise-t-on dans les rangs sarkozystes, où l'on estime par ailleurs que cette affaire, quelle qu'en soit l'issue, affaiblira considérablement l'ancien Premier ministre dans sa course à l'Elysée - course qu'il entend disputer à Nicolas Sarkozy et Alain Juppé.
Quant à Jean-Pierre Jouyet, va-t-il pouvoir véritablement rester secrétaire général de l'Elysée ? Situation difficile pour lui, alors que ses revirements dans cette affaire donnent l’impression d’un amateurisme, qui paraît pour le moins rédhibitoire quand on occupe la place de numéro 2 de l’Elysée. Des revirements, affirmations puis dénégations qui laissent également planer la suspicion sur une éventuelle manipulation de l’Elysée. De ce fait, la présidence est éclaboussée, François Hollande est touché. Dans son entourage, certains le pressent de débarquer son ami Jouyet. Mais pour l'heure, le président aurait écarté toute idée de démission. En espérant sans doute que l'affaire ne tourne pas au scandale d'Etat. Même si, en attendant, voilà qui donne des ailes et du grain à moudre au Front national, qui renvoie dos à dos Fillon et Jouyet et n'en finit plus d'entonner l'air du « tous pourris ».