« Tous les moyens sont mobilisés pour identifier les responsables ». Le communiqué du secrétariat général à la Défense et à la Sécurité nationale ne laisse pas de place au doute : cette histoire de drones mystérieux inquiète, voire agace, les autorités. Depuis le 5 octobre, ce sont ainsi 13 des 19 centrales que compte le parc nucléaire français qui ont été visitées par ces engins télécommandés. Toujours le même mode d’action : à la tombée de la nuit, ou au petit matin ; parfois de manière simultanée au-dessus d’installations pourtant distantes de plusieurs centaines de kilomètres. De quoi envisager l’action délibérée d’un groupe organisé, et non l’œuvre de petits plaisantins jouant avec des drones achetés dans le commerce.
Deux modèles ont notamment été utilisés. L’un est petit, a une autonomie et une portée plutôt limitées, et ne peut au mieux embarquer qu’une caméra. Pas très utile pour faire de l’espionnage, par exemple, puisque des vues aériennes des centrales françaises sont déjà visibles assez facilement sur Internet. L’autre modèle utilisé est en revanche plus conséquent : environ deux mètres d’envergure, pouvant voler sur plusieurs kilomètres et pouvant supporter une charge de quelques kilogrammes. La crainte étant qu’un de ces engins ne transporte une charge explosive et qu’on le fasse exploser sur une installation nucléaire. Mais, même dans ce cas extrême, ces explosifs ne seraient pas assez puissants pour endommager l’épaisse chape de béton protégeant une centrale.
Neutraliser les drones
Que faire, donc, pour empêcher de nouvelles visites indésirables ? « L’État dispose des moyens nécessaires », affirme Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, sans toutefois rentrer dans le détail, pour ne pas dévoiler le dispositif existant. Tout juste a-t-on connaissance de la mise en place d’un système de brouillage, maintenant complété par l’autorisation de tirer sur ces drones si besoin. Car il était auparavant interdit de le faire, la loi empêchant de tirer sur ce qu’on appelle un aéronef, qu’il ait un pilote ou non. Bernard Cazeneuve a donc décidé de donner l’autorisation de neutraliser ces drones – comprendre, de les abattre – à condition de s’assurer qu’il s’agisse bien d’un engin sans pilote. Il est en effet assez fréquent qu’un petit avion ou un ULM s’égare près d’une centrale nucléaire, malgré l’interdiction de les survoler dans un périmètre de cinq kilomètres autour et à moins de 1 000 mètres d’altitude.
Des piscines vulnérables
L’affaire est donc ennuyante et montre une faille potentielle dans la sécurité aérienne des installations nucléaires françaises, ce que répètent depuis des années les associations anti-nucléaire, notamment dans le cas d’attaque terroriste. EDF et l’État répètent à l’envi que les installations sont sûres. Et pour cause : le bâtiment qui héberge un réacteur nucléaire est censé pouvoir résister à un avion s’écrasant dessus. En revanche, ce n’est pas forcément le cas des piscines de refroidissement, où sont stockés les combustibles irradiés les plus vulnérables, qui, elles, ne sont pas protégées par du béton armé. L’Autorité de sûreté nucléaire a d’ailleurs recommandé à EDF de les « bunkeriser », mais ça prend du temps, ça coûte cher, et le parc nucléaire français est vieillissant.