Pendant plus de deux heures les manifestants se sont rassemblés dans le calme place du Capitole à Toulouse pour rendre hommage à Rémi Fraisse. « Je pense beaucoup à Rémi parce que j’étais présent justement à cette manifestation. On a fait les mêmes études, il a le même âge que moi donc j’aurais très bien pu me retrouver à la place de Rémi », raconte un jeune homme.
« Nous on ne voulait pas qu’ils abattent des arbres, ils ont abattu des arbres et on n’a jamais voulu qu’ils abattent des hommes et ils ont abattu un homme», ajoute un autre. « Rémi ne savait pas que la police pouvait le tuer ».
« Sous de mes yeux, j’ai dessiné des larmes de sang pour représenter ma peine et ma colère en même temps. Malgré ce qui s’est passé, les travaux ne sont que suspendus, ils auraient dû être arrêtés. On sent qu’ils n’ont pas de sentiment et que l’argent passe avant l’humain », estime une manifestante.
Les manifestants ont ensuite tenté de défiler dans les rues du centre-ville puis vers le palais de justice, mais ils ont été bloqués par les forces de l’ordre. Des affrontements ont alors éclaté au milieu des passants entre une minorité de manifestants et les forces de l’ordre qui ont chargé pour tenter de disperser la foule. Jets de projectiles côté manifestants, tirs de grenade lacrymogène et de grenades assourdissantes côté policiers et gendarmes.
Chloé faisait partie du cortège, elle témoigne des violences qui ont eu lieu : « Au moment où on arrivait sur le palais de justice, c’est devenu très violent. Nous avons rebroussé chemin. Il y a eu beaucoup plus de lancées de grenades et d’explosifs, et nous nous sommes dispersés. »
« Il y a aussi eu des offensives de la part des manifestants, mais ce n’était pas du tout à armes égales, poursuit Chloé. Les manifestants ont des petits cailloux et en face ce sont des grenades qui explosent et qui brûlent des mains. J’ai eu la peau du pied brûlée, mais ce n’était rien par rapport à ce que d’autres ont. Il y a une personne qui a une marque de la taille d’une main sur le ventre. La violence est beaucoup plus agressive de la part des policiers que de celle des manifestants. Il est regrettable qu’on ne puisse établir un vrai dialogue puisque là il n’y a pas de dialogue, c’est juste des explosifs qui partent dans tous les sens avec un hélicoptère qui vole au-dessus et rien de plus. »
Les violences ont continué pendant plusieurs heures dans le centre-ville de Toulouse. Elles ont conduit à 13 interpellations. Au moins deux personnes ont été blessées, dont un manifestant et l'un des 300 policiers et gendarmes mobilisés sur place. Il y a eu beaucoup de dégâts matériels. Les affrontements ont cessé en milieu de soirée.
« Jets d'acide » à Nantes
A Nantes, dans l'ouest de la France, la manifestation a réuni 500 à 600 personnes dont « environ 200 jeunes gens très déterminés » venus « chercher l'affrontement
avec les forces de police », estime le préfet Henri-Michel Comet. La manifestation a été émaillée de slogans comme « Pétain reviens, t'as oublié tes chiens », « Un flic, une balle, justice sociale » ou « l'Etat réprime, la police assassine ».
La manifestation a dégénéré dans l’artère principale de la ville. Au moins cinq manifestants ont été blessés. Du côté des forces de l'ordre on déplore également trois blessés légers, touchés par « des jets d'acide » et des tirs de projectiles. La police a procédé à 21 interpellations.
A Dijon, environ 250 personnes ont pris part à un rassemblement non déclaré dans la rue principale de la ville où une compagnie de CRS avait été déployée. Les manifestants ont ensuite arpenté les rues. Au fil du parcours, un « noyau dur » composé d'une « vingtaine de casseurs » cagoulés a commencé à briser des vitrines de magasins à coups de marteau, protégés des regards par la fumée des très nombreux fumigènes, a indiqué la préfecture. Le calme précaire est revenu dans les trois villes dans la soirée.
« Une insulte à la mémoire de Rémi Fraisse »
« Aucun recours à la violence, ni aucune atteinte à l'ordre républicain ne seront tolérés », a déclaré le Premier ministre Manuel Valls. Ces comportement sont « une insulte à la mémoire de Rémi Fraisse ».
Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a réagi à ces débordements en s’exprimant lors d'une conférence de presse. « Nous n’avons pas assisté là à des manifestations qui rendent hommage à la mémoire de Rémi Fraisse, nous avons assisté à des exactions, à des débordements inacceptables, au comportement de casseurs qui s’en prennent au principe même de la République et de l’état de droit, qui à ce titre doivent être condamnés. Il y a eu des interpellations parce qu’il y avait ces violences dont les Français sont témoins. Et ces exactions, ces violences, ont pu être contenues, même s’il reste encore des actes répréhensibles et des violences à Toulouse, par l’action des forces de l’ordre que je veux saluer. »
Le coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée, François de Rugy a condamné « avec la plus grande fermeté » les exactions des casseurs. Il explique qu’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) n’avait pas appelé à la manifester puisqu’ils avaient compris que ceux qui avaient lancé le mot d’ordre de la manifestation à Nantes « ne le faisaient pas du tout dans un état d’esprit pacifique ou dans un esprit d’hommage à Rémi Fraisse mais dans un état d’esprit de confrontation avec la police ». Pour lui ce sont des gens qui viennent se greffer sur la manifestation et qui n’ont rien à voir avec les écologistes et qu’ils « salissent la mémoire de Rémi Fraisse ».
Une violence qui sort de l'ordinaire
Pour le maire UMP de Toulouse, Jean-Luc Moudenc « tout cela est extrêmement inquiétant pour notre société, une société qui bascule dans la violence et qui n’est pas capable - du moins certains individus très minoritaires- d’accepter la démocratie, d’accepter les décisions et de débattre sereinement en échangeant des points de vue différents. » Il rappelle que la manifestation n’avait pas été déclarée, qu’elle a été organisée de manière clandestine via les réseaux sociaux et que cela a rendu la tache des autorités d’autant plus difficile. « Une violence comme cela sort de l’ordinaire, il faut être très vigilant pour les heures et les jours à venir. »