France: une nouvelle ère pour le secteur de l’énergie

C’est un mouvement spectaculaire dans le secteur de l'énergie. Quatre des plus grandes entreprises françaises s’apprêtent à changer de dirigeants. Il y a eu la mort brutale du PDG de Total, Christophe de Margerie, et la démission-surprise de Luc Oursel à la tête d'Areva pour des raisons de santé. Le tout dans un contexte tendu avec la succession d'Henri Proglio à EDF, et la nomination d'Isabelle Kocher comme numéro deux de GDF Suez. A l'heure du projet de loi sur la transition énergétique, ces bouleversements redessinent un secteur stratégique pour le pays.

Ces quatre entreprises occupent une place prépondérante dans l'économie française et internationale. EDF est le premier producteur d’électricité au monde. Areva est le champion international du nucléaire. GDF Suez est le premier producteur indépendant et Total le quatrième groupe pétrolier coté dans le monde, leader en Europe et en Afrique. Pour toutes ces raisons, les décisions qui seront prises pour remplacer ces dirigeants sont très importantes.

Changer de chef, c'est d’abord changer de personnalité. Le secteur de l'énergie est traversé par toute une série de conflits. Par exemple, la filière du nucléaire a beaucoup souffert de l'incompatibilité entre Anne Lauvergeon, ancienne patronne d'Areva, et Henri Proglio, à la tête d'EDF. Pour restaurer une certaine cohérence du secteur, il est important d'apaiser les relations entre Areva (le fournisseur) et EDF (le client). Même chose entre EDF et GDF. Il y a eu pendant longtemps des inimitiés entre Henri Proglio et Gérard Mestrallet, patron de GDF. Le fait de changer de dirigeant pourrait donc ramener un peu de sérénité entre les deux groupes.

De nombreux défis à relever

Il est urgent de ressouder les équipes, parce que la plupart de ces entreprises sont confrontées à un contexte économique délicat. Chez Areva, la situation est compliquée. Le secteur du nucléaire est en crise depuis la catastrophe de Fukushima. Le groupe a essuyé une perte semestrielle de près de 700 millions d'euros. Il prévoit aussi de réduire ses investissements. Enfin, il y a ce dossier préoccupant des EPR, ces réacteurs de troisième génération qui ont du mal à se vendre.

Quant à Total, la disparition de son patron arrive au moment où la société doit faire face à la plongée du prix du baril autour de 80 dollars. Le géant pétrolier est aussi en perte de vitesse. En 2013, Total a accusé 20% de bénéfices en moins. Du coup, la nouvelle équipe devra trouver les moyens de prolonger et de consolider l'œuvre de Christophe de Margerie. Elle aura des arbitrages difficiles à faire, notamment en ce qui concerne la nécessaire baisse des investissements et des coûts sur certains grands projets.

Une transition risquée ?

A écouter Maurice Lévy, c'est toujours préoccupant quand l'ensemble des patrons d'un même secteur doit être remplacé. Le patron de Publicis explique que les risques sont plutôt classiques comme s'orienter vers de mauvaises stratégies, perdre du temps sur un certain nombre de dossiers et donc laisser la place à la concurrence.

Et aussi, tant de changements d'un coup à la tête de si grosses entreprises, cela peut inquiéter les marchés. Mais pour le moment, c'est loin d'être le cas. Le titre Total n’a pas dévissé. Même chose pour Areva : les investisseurs ne semblent pas craindre le départ anticipé de Luc Oursel. La raison est simple : ils estiment que les choix avancés sont ceux de la continuité.

Ce qui les intéresse plus en revanche, c'est par exemple l’évolution de la politique tarifaire d'EDF, les futurs niveaux de production chez Total ou encore la question d’une possible recapitalisation d'Areva. Finalement, il y a peu de pays au monde qui comptent autant de leaders dans ce secteur aussi stratégique que l'énergie. Selon l'économiste Elie Cohen, l'enjeu pour ces nouveaux dirigeants, ce n'est pas tant de faire mieux que leurs prédécesseurs, mais bien de préserver ce qui a été fait. Bref, être à la hauteur.

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