Quand Christophe de Margerie prend les rennes du groupe, cet infatigable travailleur va lancer la compagnie française dans une course au grand galop pour rester parmi les premiers mondiaux. Son prédécesseur, Thierry Desmarest, lui avait confié les clés d'un nouveau poids lourd mondial du secteur pétrolier, le cinquième en termes de production. « Big Moustache », comme l'ont surnommé amicalement ses salariés, va mettre les bouchées doubles pour renforcer ses positions. Dans les acquisitions tous azimuts et la recherche de nouveaux gisements.
Pour donner un ordre de grandeur de l'effort, le budget d'exploration, c'est-à-dire les dépenses pour trouver de nouveaux gisements, passe de 500 millions d'euros en 2008 à 2,8 milliards, c'est cinq fois plus. Chaque jour, Total met 2, 6 millions barils de brut sur le marché. Ce qui correspond à la consommation quotidienne de la France et du Royaume-Uni. Si le groupe est coté à Paris, où il est l'un des principaux mastodontes du CAC 40, rappelons que c'est le plus grand groupe français. Il réalise l'essentiel de son activité dans le reste du monde. En Afrique, Total est la première compagnie pétrolière.
Sur le continent, Total a devancé les concurrents frileux
Sa stratégie s'est avérée payante car l'Afrique dispose de ressources prometteuses. Total est à l'affût dans tous les pays d'Afrique où suinte l'or noir. En Ouganda, en Côte d'Ivoire, au Mozambique, au Ghana. Cette suprématie se décline en termes de production d'abord : le continent lui en fournit le tiers, 20% seulement pour les autres majors. En termes d'intégration ensuite : avec les stations services, Total est la dernière major présente dans la distribution. En termes d'innovation enfin : la technologie utilisée dans la production en mer profonde au large de l'Angola est devenu un modèle du genre pour l'industrie pétrolière. Avec un bémol, Total n'a pas découvert en Afrique le gisement géant qui fait la différence.
L'autre intuition payante de Total, elle est américaine. C'est le rachat en 2011 du fournisseur de panneaux solaires Sunpower. Le groupe a les reins assez solides pour le soutenir pendant la crise du photovoltaïque, et la société californienne est aujourd'hui numéro 2 aux Etats-Unis, avec une technologie de pointe de plus en plus appréciée. Ce ne sont pas des convictions écologiques qui ont motivé ce choix fait sous la houlette de Christophe de Margerie, mais bien le flair d'un « capitaine d'industrie » décomplexé qui s'intéresse à tous les segments porteurs de l'énergie. Total est donc également présent dans le gaz de schiste, pas en France au grand regret du patron disparu, mais au Royaume-Uni et en Argentine.
Les défis que le groupe français doit relever
D'abord comme tous les pétroliers, Total est confronté en ce moment à la chute du cours du pétrole, qui impacte les investissements d'exploration. Mais aussi le rendement de ses champs africains. Il faut donc resserrer les boulons pour maintenir les profits. Cette opération est en cours. Les défis géopolitiques ne manquent pas avec les sanctions contre la Russie, où Total est la compagnie pétrolière la plus exposée. Christophe de Margerie regrettait que l'Europe ne se coupe de son voisin et fournisseur de gaz. Dans l'immédiat, il faut lui trouver un successeur.