«Le Monde» publie de nouveaux extraits d'écoutes gênants pour Sarkozy

Le « quotidien du soir » affirme que Nicolas Sarkozy, mis en examen pour « corruption active » notamment, a bien promis d'intervenir pour aider le haut magistrat Gilbert Azibert à obtenir un poste de prestige à Monaco contre services rendus, avant de reculer subitement. Le journal a eu accès aux éléments dont disposent les juges et publie des extraits d'écoutes embarrassants pour la défense de l'ancien président.

Dans cette affaire, les juges se basent sur une série d'écoutes opérées sur les téléphones portables officiels et occultes de Nicolas Sarkozy et de son avocat Thierry Herzog, entre septembre 2013 et mars 2014. Deux de ces téléphones ont en effet été acquis sous un faux nom, « Paul Bismuth ». Quelques conversations entre Nicolas Sarkozy et son conseil retiennent tout particulièrement l'attention des juges, et des enquêteurs du journal Le Monde.

La première remonte au 5 février. Thierry Herzog y évoque le haut magistrat Gilbert Azibert, premier avocat général près la Cour de cassation, soupçonné d'avoir informé l'ancien président sur des procédures en cours concernant l'affaire Bettencourt et les agendas de M. Sarkozy, saisis par la justice. « Il m'a parlé d'un truc sur Monaco, parce qu'il voudrait être nommé », dit M. Herzog. Et Nicolas Sarkozy de lui répondre : « Je l'aiderai, moi, je vais le faire monter. » Avant d'ajouter : « Appelle le aujourd'hui en disant que je m'en occuperai, parce que je vais à Monaco et je verrai le prince. »

Revirement soudain

Quelques jours plus tard, alors que Nicolas Sarkozy se rend à Monaco, Thierry Herzog lui confie : « T'oublies pas, si tu as la possibilité, de dire un mot pour Gilbert. Pour le Conseil d'Etat. Le poste qui se libère... » « Oui, oui, oui », répond Nicolas Sarkozy.

Le 24 février, Nicolas Sarkozy annonce à son avocat que son intervention est imminente. « Tu peux lui dire que je vais faire la démarche demain ou après-demain », dit-il. Mais deux jours après, l'ancien président rappelle Me Herzog et évoque, pour la première fois sur son téléphone officiel, l'affaire Azibert. Il affirme qu'il a préféré ne pas en parler à Monaco. Un revirement suspect pour les enquêteurs, qui se demandent selon Le Monde si Nicolas Sarkozy et son avocat n'ont pas appris entre temps que leur ligne secrète était elle aussi écoutée.

Cela expliquerait en effet pourquoi ils ont fait machine arrière. Mais même si le haut magistrat Gilbert Azibert n'a finalement pas bénéficié de l'intervention de Nicolas Sarkozy, d'après la loi, une simple promesse peut suffire pour constituer le délit de « corruption active ». S'ils sont jugés recevables, les éléments dévoilés par le « quotidien du soir » pourraient donc constituer des preuves embarrassantes pour la défense de l'ancien président. En revanche, il y aurait peu d'éléments sur un éventuel délit de corruption du côté du haut magistrat Gilbert Azibert. D'après Le Monde, les enquêteurs auraient constaté, lors d'une perquisition à son bureau, qu'il avait effacé tous ses mails antérieurs au 7 avril.

Avenir incertain

Bien sûr, rien n'est pour le moment avéré. Mais cette affaire n'en est certainement pas à son dernier rebondissement. La situation est donc très délicate, et l'ancien chef de l'Etat devra la prendre en compte dans la réflexion quil a engagée pour savoir s'il se lançait dans la bataille pour la présidence de l'UMP à l'automne prochain. Une hypothèse probable, compte tenu de la détermination que Nicolas Sarkozy a affichée lors de son intervention télévisée après sa mise en examen. L'homme a souvent fait sien l'adage selon lequel la meilleure défense, c'est l'attaque.

Reste que les affaires Azibert ou Bygmalion, sans parler de la déliquescence de l'UMP et des rivalités internes qu'elle suscite, sont autant d'éléments qui rendent le retour de Nicolas Sarkozy risqué. Seul réconfort pour l'ancien président : les sympathisants UMP lui font toujours confiance. Selon un récent sondage, 38% d'entre eux le choisiraient encore en cas de primaire, contre seulement 32% en faveur de son principal concurrent, Alain Juppé. Et ça, Nicolas Sarkozy le sait aussi.

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