Avec nos correspondants à Washington et New York,
Anne-Marie Capomaccio et Karim Lebhour
■ Des options, mais pas d’intervention au sol. Huit millions de dollars ont été débloqués par les Etats-Unis pour venir en aide aux réfugiés. Une équipe diplomatique est envoyée à Bagdad pour mener des consultations, et dispenser des conseils. Enfin, des livraisons d’armes accélérées ont été annoncées. Voilà les premières mesures déjà prises par Washington. Maintenant, devant l’urgence de la situation, Barack Obama envisage d’autres options :
« Ce que nous avons vu ces derniers jours indique à quel point l’Irak a besoin d’aide. Donc mon équipe travaille sans relâche pour voir comment nous pouvons apporter l’assistance la plus efficace possible. Je n’exclus rien. » Sauf une intervention terrestre, a affirmé le porte-parole du président américain.
■ Passe d’armes politicienne. Et comme souvent aux Etats-Unis, une crise internationale devient un sujet de politique intérieure. Les républicains demandent des frappes aériennes immédiates contre l’avancée rebelle. Les conservateurs reprochent à la Maison Blanche de ne pas avoir insisté auprès du Premier ministre irakien pour laisser des troupes américaines sur le terrain lors du retrait en 2011. Les démocrates quant à eux rappellent le « pêché originel », allusion à la décision de George Bush d’envahir l’Irak en 2003.
■ Al-Maliki sous le feu des critiques américaines. Barack Obama, le premier, reproche au Premier ministre irakien de ne pas avoir intégré les composantes sunnites et kurdes dans sa stratégie, malgré de nombreuses mises en garde : « Cette crise doit servir d’avertissement au gouvernement irakien. Il faut qu’il y ait une composante politique à tout cela, afin que les sunnites et les chiites s’unissent, et travaillent sérieusement contre ces extrémistes. »
Même son de cloche au département d’Etat. Jen Psaki, porte-parole de John Kerry, confirmait mercredi que des armes américaines étaient désormais aux mains des rebelles, et s’inquiétait, sans indulgence, de la débandade de l’armée gouvernementale : « Il y a clairement un effondrement de l’encadrement. Nous sommes très déçus par la réaction et par les décisions prises par une partie des forces de sécurité. »
A l’automne dernier, le Congrès américain exigeait une mise à l’épreuve du Premier ministre al-Maliki avant d’entériner certaines livraisons d’armes à Bagdad. Les mêmes élus aujourd’hui s’étonnent publiquement du manque de préparation des Irakiens.
Le Conseil de sécurité impuissant.
■ La situation en Irak est un « désastre ». Ce sont les mots entendus au Conseil de sécurité des Nations unies. Réunis en urgence mercredi soir, les membres du Conseil n’ont pu que constater l’avancée fulgurante des jihadistes.
En vidéo-conférence depuis Bagdad, l’envoyé spécial de l’ONU a fait le récit de ce qu’il a appelé une « désintégration de l’armée irakienne ». Les combattants jihadistes bénéficient de l’appui d’anciens officiers irakiens, a-t-il indiqué. Il assure toutefois que Bagdad est bien protégée et que la ville n’est pas sur le point de tomber.
■ Appel au dialogue. « Comment une armée entraînée, équipée a-t-elle pu s’effondrer comme cela ? » a alors lancé le représentant français. L’Américain qui avait demandé cette réunion d’urgence s’est contenté de demander comment l’ONU pouvait aider l’Irak. Une façon de rappeler que les Etats-Unis n’ont pas l’intention d’intervenir directement. Enfin, l’ambassadeur russe a souligné l’échec de la guerre lancée par les USA en 2003. « Apparemment, la mission n’est pas accomplie », a-t-il ironisé en référence au célèbre « mission accomplie » lancé par George Bush en 2003, après la chute de Saddam Hussein.
Autour de la table, les intervenants au Conseil de sécurité se sont limités à appeler le gouvernement irakien chiite à dialoguer avec les populations sunnites. Si les diplomates ont fait part de leur effroi, aucune action concrète n'est à attendre dans l'immédiat de la part de l'ONU qui dispose de moyens très limités en Irak.