France: 60 ans après l’appel de l’Abbé Pierre, le mal-logement perdure

Ce vendredi 31 janvier, la Fondation Abbé-Pierre rend public son rapport annuel sur le mal-logement en France. Cette journée s’inscrit dans le cadre du 60e anniversaire du célèbre appel, et revêt par conséquent une signification symbolique.

Le 1er février 1954, quand l’Abbé Pierre lançait son appel à la nation pour sauver d’un hiver exceptionnellement rigoureux des milliers de « couche-dehors », la France de 43 millions d’habitants comptait 7 millions de mal-logés, dont 800 000 sans domicile fixe pour la seule région parisienne.

La situation s’est certes améliorée depuis, mais le problème du mal-logement est toujours, douloureusement et scandaleusement, présent.

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Selon la Fondation Abbé-Pierre, la crise du mal-logement touche aujourd’hui 3,5 millions de personnes. Trois fois plus sont affectées à des degrés divers par ce fléau et 1,8 million de dossiers de demandes de logements sociaux sont actuellement en attente. Chaque année, seule une demande de logement sur quatre est satisfaite.

Emploi et logement: la double précarité

Le 19e rapport de la Fondation Abbé-Pierre souligne le phénomène de la double précarité emploi et logement et s’intéresse aux interactions entre les deux. « En France, 5,5 millions de personnes sont aujourd’hui inscrites à Pôle emploi, rappelle Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation. Nous avons un million de chômeurs de plus que l’année dernière et le nombre de CDD, d’emplois en intérim ou en temps partiel n’a jamais été aussi important. Parallèlement, le prix d’accession à la propriété a plus que doublé en dix ans et les loyers ont augmenté de 55 %. »

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Cette double précarité fragilise les ménages. De plus en plus de personnes ont du mal à trouver un logement correspondant à leurs ressources ou de se maintenir dans leur appartement lorsque leur situation professionnelle change. Il devient toujours plus difficile de se loger à une distance raisonnable de son lieu de travail et les entreprises peinent souvent à trouver des salariés, faute de logements à proximité.

Le logement, bouclier contre la crise

Mais une réponse à cette situation de précarité existe. Selon la Fondation Abbé-Pierre, dans le contexte de transformation profonde du secteur de l’emploi, le logement pourrait jouer un rôle de bouclier protecteur.

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« Pour lui permettre d’exercer cette fonction, il faudrait faire baisser les prix du logement et réévaluer les aides personnalisées au logement, affirme Christophe Robert. Ces aides sont l’outil de solvabilisation des ménages le plus puissant avec les minima sociaux, rappelle la Fondation. Or, le gouvernement les a désindexées, en pensant faire des économies. Il faut les réindexer et les augmenter pour pouvoir compenser à la fois la précarisation de l’emploi et la flambée des prix de l’immobilier. »

Copropriétés « en difficulté », bombes à retardement

Le rapport de la Fondation Abbé-Pierre attire aussi notre attention sur un aspect peu connu du mal-logement, mais qui risque de devenir un grand problème dans les vingt prochaines années : les copropriétés endettées et dégradées.

→ A (RE)ECOUTER : Quand le logement rend malade (Reportage France du 13 janvier 2014)

Sur les 6,2 millions de logements en copropriété en France, plus d’un million sont en grande difficulté. Les personnes qui y ont acheté un appartement, faute de mieux et croyant faire une bonne affaire, sont aujourd’hui confrontées à des frais qu’elles ne peuvent plus supporter. « Pour ne pas avoir des impayés, elles s’imposent des privations importantes qui rendent leurs conditions de vie extrêmement difficiles, explique Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation. Elles économisent sur l’alimentation, les soins médicaux ou sur le chauffage, mettant leur santé en danger. »

Le logement comme facteur de développement économique

Les propriétaires modestes ne sont d’ailleurs pas les seuls à s’imposer des restrictions. En trente ans, le logement est devenu progressivement le premier poste de dépense des ménages. « Quand le logement engloutit 25 % des ressources moyennes des familles et 50 % dans le cas des ménages plus fragiles, c’est autant d’argent qui n’est pas distribué dans l’économie générale. Si la France résorbait la pénurie des logements et les rendait plus accessibles, c’est-à-dire moins chers, le logement pourrait devenir un puissant facteur du développement économique. Au lieu d’être un problème, il serait une solution », concluent les successeurs de l’Abbé Pierre.

→ A VISITER : Le webdoc « A l'Abri de rien », diffusé en 2011 par la Fondation Abbé-Pierre

 

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