A deux jours du lancement à Nantes d'une nouvelle tournée de l'humoriste, il n'est pas certain que la circulaire émise par le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls soit réellement efficace. Pour atteindre son but, la circulaire Valls se fonde sur la jurisprudence dite Benjamin qui date de 1933 et qui autorise l'interdiction d'un spectacle en cas de risque de trouble matériel à l'ordre public. Au ministère de l'Intérieur, on reconnaît que cette jurisprudence est difficile à mettre en œuvre.
En effet, il est presque impossible de s'opposer aux représentations d'un humoriste, aussi sulfureux soit-il, quand la liberté d'expression est garantie par la Constitution et par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Et la défense de Dieudonné ne le sait que trop bien, elle connaît les failles de cette jurisprudence. Ces dernières années, les tribunaux administratifs et le Conseil d'Etat ont annulé une quinzaine d'arrêtés d'interdiction visant Dieudonné. Jacques Verdier, l'avocat de l'humoriste est donc prêt à multiplier les recours, sûr de gagner à tous les coups : « On est sur une circulaire bancale. Lorsque je vois l’utilisation qui est faite de la vieille jurisprudence de 1933 sur la liberté de réunion, je me dis qu’il y a quelque chose qui n’a pas été compris. Et on cherche à tordre les principes à tout prix pour faire en sorte d’interdire l’artiste. Bien évidemment, pas d’interdiction a priori, mais une interdiction ou des poursuites a posteriori s’il y avait des dérapages ».
La circulaire Valls s'engage donc également sur un nouveau terrain juridique, suggérant aux préfets de se fonder sur l'atteinte à la dignité humaine. La circulaire s'appuie sur un arrêt du Conseil d'Etat de 1995, qui avait interdit les spectacles de lancer de nains et qui avait érigé l'atteinte à la dignité humaine en un principe général du droit.