Paris veut accélérer l’internationalisation du yuan

Pierre Moscovici, ministre de l'Economie et des Finances est en visite à Pékin pour le premier Dialogue économique et financier franco-chinois de haut niveau. Cette rencontre représente une avancée significative dans la relation bilatérale franco-chinoise, tendue et compliquée. Paris veut profiter de l’internationalisation du yuan, la devise chinoise.

Les deux pays veulent rapprocher leurs positions sur la gouvernance économique et financière mondiale, mais aussi renforcer leur coopération commerciale. Or, l'Europe est déficitaire dans ses échanges avec la Chine. Et la France bien plus que l'Allemagne. Son déficit commercial avec la Chine est de 26 milliards d'euros... pour 12 milliards dans le cas de l'Allemagne.

Les produits allemands, une valeur sûre pour les Chinois

Berlin revient de loin, en cinq ans, le déficit commercial avec la Chine a été divisé par deux. La raison : le rapprochement entre les deux modèles économiques, allemand et chinois. Selon Romain Sarron, économiste chez COE Rexecode : «l’Allemagne a appuyé son redressement rapide après la crise sur une croissance importante de ses exportations. A l’opposé, la Chine importe énormément pour s’équiper et pour réexporter à son tour. De ce double intérêt est née une collaboration étroite.» L’Allemagne est aujourd’hui le premier partenaire commercial européen de la Chine.

Cette proximité commerciale implique des concessions, en particulier dans le domaine des transfert de technologies. Dans la construction du TGV chinois, le groupe français Alstom a été devancé par l’Allemand Siemens pour l’obtention du marché. «Ceci s’est fait toutefois au prix d’un transfert des technologies considérable de la part de Siemens en Chine. Chose qu’il a, d’ailleurs, admis avoir regretté à l’issu de cette construction. Maintenant, les Chinois disposent d’une technologie avancée en matière de ferroviaire à grande vitesse et ils deviennent un concurrent sur les marchés internationaux pour les Allemands, comme pour les Français», conclut Romain Sarron.

Paris se prépare à l’internationalisation de la devise chinoise

Lors de sa visite à Pékin, Pierre Moscovici parlera aussi finance. Les autorités chinoises soutiennent que la convertibilité du yuan se fera en 2020. En attendant, elles procèdent par étapes. Car actuellement, le yuan n’est toujours pas convertible. Son marché de change est réglementé selon un taux fixé chaque jour par la Banque centrale. Selon Jean-François Di Meglio, président de l'Institut de recherche Asia Centre : «le système financier chinois, avec ses banques et sa Bourse, n’est pas encore développé pour affronter une forme de concurrence. Et à ce titre, les Chinois ont décidé qu’ils ralentiraient la convertibilité de leur monnaie nationale.»

En revanche, il y a de plus en plus de transactions commerciales qui se font en yuan. La Chine traite ainsi avec Hong Kong, Singapour, Taïwan et avec la plupart des pays de l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est). Cette internationalisation de la devise chinoise intéresse les entreprises étrangères et les grandes places financières. Aussi, 10% des transactions commerciales franco-chinoises sont déjà réalisées en renminbi (RMB). «La Chine a fait la moitié du chemin. Paris n’est pas actuellement la première place où se traitent les transactions en yuan. C’est peut-être la deuxième derrière Londres. Le débat avec le ministre de l’Economie français à Pékin, c’est d’accélérer la montée en puissance de Paris comme place où se traite le yuan à l’étranger», estime Jean-François Di Meglio.

Pékin lutte contre la corruption

La Chine est un marché concurrentiel, aussi complexe qu'opaque. Cette opacité entraîne parfois des pratiques douteuses, contre lesquelles lutte la justice chinoise. Un certain nombre de grands groupes chinois ont été l’objet d’enquête. Des groupes français, mais aussi les laboratoires suisses, britanniques et américains ont été mis en accusation. Pour Jean-François Dufour, directeur du cabinet DCA-Analyse, «il y a incontestablement une volonté de réduire la corruption. En même temps, on ne peut qu’être frappé par le fait que les enquêtes concernent des secteurs dans lesquels, par rapport à d’autres, les entreprises chinoises sont en situation de relative faiblesse. Ceci étant dit, ces entreprises étrangères n’ont pas démenti foncièrement des accusations. On peut donc estimé qu’elles se sont trouvées piégées par un système chinois dans lequel elles étaient obligées de fonctionner de cette manière, et qui aujourd’hui prétend à se réformer », conclut Jean-François Dufour.

La Chine attire les entreprises qui visent le développement à l'international. Les investissements se font désormais dans les deux sens. Les implantations chinoises et celles de Hong Kong dans l'Hexagone ont permis la création ou le maintien de 12 000 emplois.

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