Si on veut schématiser, en France depuis des décennies, la politique de la ville pourrait se résumer en une pluie de sigles du nom des multiples dispositifs installés au fil des gouvernements : ZUP, ZUS, ZRU, ZFU, ZAD et autres Cucs… En une trentaine d’années et une quinzaine de ministres, la France a bien changé mais les outils pour mesurer cette évolution, eux, n’ont pas toujours suivi le mouvement. C’est un des volets du projet du gouvernement qui doit être examiné le 22 décembre par les députés.
Le ministère de la Ville vient donc de se doter d’un nouvel outil qui devrait aider à repenser les aides en direction des quartiers en difficulté. Il s’agit d’une cartographie élaborée avec l’Insee qui découpe les villes en carré de 200 mètres de côté permettant ainsi d’évaluer à plus petite échelle le niveau de revenus des habitants.
Moins de critères pour plus d’efficacité
Jusqu’à maintenant pour déterminer si un territoire devait bénéficier d’aides publiques on relevait globalement le nombre de chômeurs, de jeunes, de familles monoparentales, d’immigrés, de bénéficiaires de l’APL (aide au logement) et de logements sociaux. En gros, plus il y avait d’habitants qui présentaient ces critères, plus la zone concernée était réputée « pauvre ». Or, ce mode d’appréciation comporte plusieurs biais : être chômeur ou jeune, ne rime pas forcément toujours et partout avec pauvreté.
C’est pourquoi l’idée de ne prendre en compte qu’un seul critère, la mesure des revenus fiscaux, a finalement été retenue. Est considérée comme ayant un bas revenu en France, toute personne qui dispose de moins de 11 500 euros par an (60% du revenu médian national qui est de 18 750 euros). La prise en compte des revenus des habitants d’une zone permet très finement de déterminer dans un secteur la densité de pauvres et d’agir là où il y a des besoins. Matérialisée sous la forme de carrés jaunes, la proportion de pauvres dans les villes ou les quartiers fait parler les cartes mieux que bien des rapports officiels.
« Pour pouvoir mener une politique de la ville efficace, il faut un bon diagnostic or, la liste des villes et des quartiers qui bénéficient de la politique de la ville s’est complexifiée au fil des années avec un empilement de plans successifs », explique sur RFI, François Lamy, le ministre délégué à la Ville. « Le fait de retenir un critère unique, le critère de pauvreté qui englobe l’ensemble des situations de difficultés auxquelles sont confrontés les habitants de ces quartiers va ainsi permettre, en les situant sur une carte, de savoir où sont les concentrations de pauvreté », détaille François Lamy.
100 nouveaux bénéficiaires mais 300 exclus
Cette nouvelle façon de prendre en compte le problème de la pauvreté signifie qu’on a bien compris que le problème des banlieues par exemple est avant tout un problème social, une vision qui correspond parfaitement à l’ambition de la réforme. « Cette modification va avoir pour conséquence de faire entrer dans le dispositif de la politique de la ville une centaine de villes et de territoires ruraux […] qui n’en ont jamais bénéficié jusque-là », se félicite le ministre. Actuellement, ce sont donc 1 300 quartiers ou villes qui doivent être inclus dans la politique de la ville.
La nouvelle façon de repérer les quartiers sensibles se recoupe à 85% avec ce qui se faisait avant, remarque François Lamy. Concrètement, cela se traduit donc par 100 nouveaux bénéficiaires, mais cela signifie aussi que quelque 300 autres seront, une fois la loi votée, exclus des dispositifs. Au moment où se réunit le 96e Congrès des maires de France, cela ne va pas contribuer à calmer la grogne de ces élus.
Mais, face aux mécontents, François Lamy a des arguments : « Il s’agit maintenant d’arrêter avec le saupoudrage. En politique de la ville on a toujours ajouté, on n’a jamais supprimé. Or, il y a de nombreuses villes, de nombreux quartiers où la situation est meilleure, parce que le travail à la fois de l’Etat et des élus, ou du monde associatif a fonctionné. Il s’agit maintenant de concentrer l’ensemble des aides vers les quartiers qui sont le plus en difficulté ».