«Les centres éducatifs fermés ont une finalité de mise à l’écart et de relégation»

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) lance une procédure d’urgence pour alerter sur les violations des droits fondamentaux des mineurs qui ont été placés dans deux centres éducatifs fermés (CEF) : celui de Pionsat dans le Massif central et celui de Hendaye au Pays basque. Et les recommandations, publiées aujourd'hui au Journal Officiel, ont été transmises aux ministres de l'Education nationale, de la Justice, des Affaires sociales et de la Santé, conformément à la procédure d'urgence créée par la loi du 30 octobre 2007. Le gouvernement a donc tracé une feuille de route plus rigoureuse et prévu l'ouverture de deux nouveaux CEF par an jusqu'à la fin du quinquennat. Maria Inès, co-secrétaire nationale du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social, de la protection judiciaire, de la jeunesse (SNPES PJJ- FSU), revient sur ces centres qui suscitent la polémique depuis leur création en 2002.

RFI: Qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans ces centres éducatifs fermés ?

Maria Inès : Ce qui ne tourne pas rond, c’est que ce sont, de façon générale, pas seulement les deux incriminés dans le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, mais ce sont des centres qui ont une finalité de mise à l’écart et de relégation. Donc forcément, à partir du moment où l’on assigne dans ces structures des jeunes en grande difficulté qui doivent être placés, avec cette finalité, cet objectif de mise à l’écart et de relégation, il y a forcément des dérives, des dysfonctionnements à un moment donné.

Cela veut dire qu’on parle d’isolement et pas de projet alors que les premiers concernés sont des enfants ?

Bien sûr, on parle surtout d’isolement, d’éducation en vase clos, ce qui n’est pas de l’éducation en réalité. Et ce ne sont pas les professionnels qui sont en cause, les professionnels font ce qu’ils peuvent dans un cadre très particulier. Dans un cadre de contention qui favorise les rapports de force permanents entre jeunes et adultes. Ce ne sont pas les professionnels, qui font encore une fois ce qu’ils peuvent, mais bien des lieux où effectivement il peut y avoir, il y a souvent de la maltraitance envers les enfants.

Ce qui peut surprendre, c’est la réponse des autorités un peu sous la forme « Nous sommes au courant ». Pourtant, on voit qu’il n’y a pas réellement de réponse urgente ?

En effet, il n’y a pas de réponse urgente parce que ces structures sont en quelque sorte installées dans le paysage de la prise en charge des mineurs en grande difficulté, et sont banalisées. On essaie aussi de protéger surtout le message politique qu’elles doivent envoyer, c’est-à-dire d’abord un affichage de fermeté. C'est ce que l'on cherche à préserver. Si on fait trop souvent part des dysfonctionnements, ou si on les met sur la place publique, ce message de fermeté, que l’instance politique, de façon générale celle d’hier et celle d’aujourd’hui, veut envoyer, risque d’être un peu affaibli. On essaie donc de temporiser.

On rassure l’extérieur mais on ne trouve pas de solution à l’intérieur ?

On ne trouve pas de solution à l’intérieur parce qu’on ne veut pas affronter le fait que ces structures, en tant que structures de contention et de relégation, génèrent forcément des atteintes aux droits fondamentaux des mineurs et des phénomènes de maltraitance. Pas partout, je le sais bien, il y en a qui fonctionnent à peu près correctement. Mais de façon générale, il y a une tendance lourde qui est liée encore une fois à ce qui est demandé à ce centre-là : on doit d’abord mettre au pas ces jeunes, les soumettre. Ce qui fait que les fondamentaux du travail éducatif sont oubliés en quelque sorte, y compris par les professionnels.

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