Avec près de deux millions d’entreprises en tout, le commerce et l'artisanat sont les plus gros employeurs de France. Ces secteurs appellent à une réforme de leurs statuts, pour aller vers plus de simplification et plus de protection. La ministre de l'Artisanat et du Commerce, Sylvia Pinel y travaille depuis le début de l’année.
Une disposition reste cependant sujette à désaccord dans le projet de loi ministériel, soumis aujourd'hui, en conseil des ministres. Celle sur les auto-entrepreneurs, un régime théoriquement destiné à faciliter la création entrepreneuriale. Depuis fin 2008, salariés, chômeurs ou retraités peuvent plus facilement développer une activité à titre principal ou en plus de leurs revenus avec des papiers simplifiés et un régime fiscal avantageux.
Les artisans accusent les auto-entrepreneurs de concurrence déloyale, particulièrement dans le secteur du bâtiment, mais aussi dans la photographie, l’esthétique ou la coiffure. Selon Alain Griset, président de l’Assemblée générale de la chambre des métiers : « La concurrence est déloyale à partir du moment, où il n'y a pas les même règles applicables aux différentes entreprises, suivant leur régime social et fiscal. »
Un seuil de chiffre d’affaires fixé par décret
A la demande des artisans, le projet de loi Pinel devait encadrer ce régime spécial. Un accord avait été trouvé sur la fixation d’un seuil pour pouvoir rester auto-entrepreneur : 19 000 euros de chiffre d'affaires annuel pour les artisans ou commerçants. Aujourd'hui, ce seuil ne figure plus dans le projet de loi. Il sera déterminé par décret, par la suite. Un auto-entrepreneur sur dix gagne plus que cette limite.
Selon l'Union des auto-entrepreneurs, il ne faut pas lancer de mauvais signal en bridant ceux qui font le choix de créer une entreprise sous ce régime. François Hurel est président de cette association. Selon lui, ce système, inspiré par d'autres pays, a fait ses preuves: « Il est un peu Québécois, un peu Américain du nord, un peu Brésilien et un peu Australien. Donc, c'est cette espèce de mécanique, qui est à la fois un régime tendant à la promotion de l'initiative individuelle et à la simplification extrême des formalités administratives et à la simplicité de la gestion, qui a fait la réussite dans d'autres pays de ce type de régime et évidemment en France. »
Depuis le début des années 2000, de plus en plus de Français créent leur propre entreprise. En 2009, cette augmentation s'est accentuée avec la création de l'auto-entreprenariat. En 2012, sur 500 000 nouvelles entreprises, plus de la moitié l’ont été sous ce régime. Alors que la crise est là, pour beaucoup, c'est un plus pour l'esprit d'entreprise.
Séparer activités et métiers
Et la concurrence pour les artisans ne serait pas si importante. C'est en tout cas ce que dit un rapport de l'inspection générale des Finances et un autre de l'inspection des Affaires sociales. Selon le Medef, la limitation du chiffre d'affaires des auto-entrepreneurs est donc une question annexe. « Pour réguler le problème de concurrence entre auto-entrepreneurs et artisans, il faudrait commencer par réellement différencier activité et métier », explique Thibault Lanxade du pôle entrepreneurial au Medef. « Il faudrait travailler sur la séparation des activités et des métiers et faire en sorte qu'un artisan ne puisse pas devenir un auto-entrepreneur et puisse avoir des droits différents d'un auto-entrepreneur. »
Le gouvernement a chargé le député socialiste Laurent Grandguillaume de présider une commission à l'Assemblée nationale. Il devra jouer les médiateurs entre les différentes parties intervenant dans ce dossier. Le projet de loi devrait être débattu au Parlement d'ici l'automne 2013.