Cette position est du moins celle de la majorité des membres du Comité consultatif national d’éthique. Car, fait exceptionnel, un avis divergent émanant d’une minorité de membres est inclus dans le document du CCNE. Pas d’unanimité donc au sein du comité, tout comme il n’y a pas d’unanimité au sein de la société française sur cette question éminemment complexe.
Pour la majorité des membres, il ne faut pas modifier la loi actuelle, qui fait la distinction entre « laisser mourir » et « faire mourir ». En effet, selon les textes en vigueur (loi sur les droits des malades de 2002 et loi Leonetti sur la fin de vie de 2005), l’acharnement thérapeutique est proscrit et le médecin peut arrêter les traitements visant à prolonger la vie si le malade en fait la demande ; il peut aussi administrer des substances pour soulager ses douleurs même si cela risque d’accélérer la mort. En revanche, il n’est en aucun cas autorisé à donner la mort directement.
Risques de dérive ?
Pour le CCNE dans sa majorité, « le maintien de cette interdiction protège les personnes en fin de vie ». Les membres s’inquiètent des risques de dérive qui seraient induits par une légalisation de l’euthanasie, tel l’élargissement des indications à certaines personnes vulnérables, comme c’est le cas en Belgique où, relève le rapport du CCNE, plusieurs personnes majeures incapables ont été euthanasiées. Et de souligner : « Toute évolution vers une autorisation de l’aide active à mourir pourrait être vécue par des personnes vulnérables comme un risque de ne plus être accompagnées et traitées par la médecine si elles manifestaient le désir de poursuivre leur vie jusqu’à la fin. »
Selon d’autres membres du CCNE, « la frontière entre "laisser mourir" et "faire mourir" a déjà, de fait, été abolie » par ces mêmes textes de loi, puisque le geste du médecin -arrêt des traitements vitaux, débranchement d’un appareil vital par exemple, à la demande du malade- conduit à la mort. Dès lors, la question est de savoir « pour quelles raisons certaines formes de "demandes d’aide à mettre un terme à sa vie" seraient autorisées alors que d’autres ne pourraient pas l’être ».
Points de consensus
Dans une contribution jointe à l’avis, Michel Roux, président de section honoraire au Conseil d’Etat et membre du CCNE, soutient qu’il n’y a « aucune différence de nature et, par conséquent, aucune différence éthique entre un (…) acte qui fait mourir mais qui se trouve néanmoins autorisé, et une injection létale qui devrait au contraire, dans tous les cas et dans toutes les situations, demeurer interdite ».
Dans cet avis figurent également des recommandations qui, cette fois, ont fait l’objet d’un accord unanime de la part de tous les membres du CCNE, en particulier :
• la nécessité de rendre accessible à tous le droit aux soins palliatifs,
• le respect des directives anticipées du malade, qui doivent s’imposer au corps médical, dans le cas d’une maladie grave, si le patient les a rédigées en présence d’un médecin traitant,
• le respect du droit de la personne en fin de vie à une sédation profonde jusqu’au décès si elle en fait la demande, lorsque les traitements - voire l’alimentation et l’hydratation - ont été interrompus à sa demande.
Un projet de loi dans quelques mois ?
La réflexion se poursuit au sein du CCNE. Le comité invite également les autorités à la prolonger sous la forme d’un débat public. François Hollande, qui s’est dit favorable à une « assistance médicalisée à mourir » dans certaines situations exceptionnelles, risque d’être embarrassé par cet avis mitigé. A moins que le CCNE ne vire de bord, à la faveur du renouvellement d’une partie de ses membres.
Le projet de loi sur le sujet, qui devait initialement être présenté en juin 2013, est quoi qu’il en soit reporté de plusieurs mois.
Précisions utiles (d’après les définitions du CCNE) :
• Euthanasie : acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne pour mettre un terme à une situation jugée insupportable, cela à la demande de la personne malade.
• Suicide assisté : situation où une personne qui souhaite mettre fin à ses jours n’est pas apte à le faire en raison de son état physique, et a donc besoin de l’aide active d’un tiers pour l’administration d’un produit létal. La personne demande donc à un tiers de faire ce qu’elle ne peut accomplir par elle-même.
• Assistance au suicide : acte qui consiste à donner les moyens à une personne de se suicider elle-même. La personne réalise elle-même son suicide en absorbant un produit létal qui lui a été préalablement délivré.