Etre d’un poids supérieur à la norme ne rimerait plus avec mauvaise santé ou encore risque de mortalité accrue. C’est en tout cas la conclusion que tire le Dr Katherine Flegal des Centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC) qui a dirigé cette recherche. Pour son travail, elle a repris les données de 97 études qui portent sur 2 880 000 individus de différents pays en Amérique du Nord et du Sud, en Europe et en Asie ainsi que sur 270 000 décès.
Alors qu’il est admis depuis plusieurs décennies que surpoids rime avec mauvaise santé, la conclusion du Dr Flegal vient quelque peu bousculer ce dogme. On parle bien ici de surpoids et non d’obésité qui, elle, accroît le risque de mortalité de 29% par rapport aux sujets normaux. Le surpoids se caractérise par un indice de masse corporelle (IMC, poids divisé par la taille au carré) entre 25 et 30. Les personnes qui se situent dans cette tranche auraient, selon Katherine Flegal, un risque de mortalité abaissé de 6% par rapport à celles qui ont un IMC entre 18,5 et 25, autrement dit un poids normal. Même pour ceux qui ont un IMC de 30 à 35, c’est-à-dire qui présentent une obésité modérée, le risque de mortalité est encore diminué de 5% en comparant avec des sujets de poids normal.
Obésité et surmortalité
Ce n’est pas la première fois que Katherine Flegal publie sur ce sujet. Déjà en 2005 elle avait soulevé la controverse en publiant une étude suggérant un lien entre un excès de poids et une plus grande longévité. Mais à l’époque son travail portait sur un nombre six fois moins important d’observations. Cette fois, s’appuyant sur un nombre considérable de données, elle confirme et soutient dans une vidéo publiée sur le site du JAMA que : « Parmi les différents niveaux d’obésité, seuls les plus importants sont associés à une surmortalité par rapport au poids normal ».
En France où vivent 2 millions d’obèses (IMC de 35 et plus) doit-on se réjouir des propos du Dr Katherine Flegal et jeter son pèse-personne par-dessus les moulins ? Probablement pas, parce que le poids est un indicateur (parmi d’autres) de notre état de santé. « Mais il a ses limites tout comme l’IMC », souligne Jean-Michel Lecerf, chef du service Nutrition de l’Institut Pasteur de Lille. « L’étude du JAMA est notamment intéressante parce qu’elle confirme que l’IMC n’est pas un indicateur absolu de mortalité », remarque encore le spécialiste.
Surpoids parfois protecteur
Le travail du Dr Katherine Flegal conforte aussi le fait que, pour les personnes âgées, mieux vaut être en surpoids modéré (IMC 27-28) plutôt qu’en état de maigreur, les stocks de graisse fournissant une réserve d’énergie qui peut faire la différence sur un organisme malade. En fait, explique le Pr Lecerf, ce qui est important « c’est la composition corporelle en masse maigre (muscles) et le pourcentage de graisse et sa répartition, autant de facteurs dont le poids seul ou l’IMC sont bien incapables de rendre compte ».
« Dire qu’être gros veut dire être malade est bien exagéré », s’agace le spécialiste de la nutrition « tout en sachant qu’au-delà d’un IMC de 30, le taux de mortalité s’accroît ». Mais là aussi des facteurs génétiques interviennent qui peuvent bousculer des assertions statistiques. Pour se résumer, Jean-Michel Lecerf considère qu’on peut être « gros » et en bonne santé « à condition que le poids n’évolue pas vers le haut, que les paramètres métaboliques soient normaux et sous réserve de pratiquer une activité physique, d’avoir une alimentation correcte et une bonne masse musculaire ». Quand ces conditions sont remplies, il n’est pas nécessaire d’un point de vue médical, de chercher à perdre du poids.