Sur ordre de Lionel Jospin, les primes ont été supprimées dans tous les cabinets ministériels de la République à compter du 1er janvier 2002. Avant cette réforme, place Beauvau, les personnels touchaient des indemnités provenant pour une partie du bureau du Premier ministre et pour une autre de celui du directeur de la police nationale.
Seulement voilà, de mai 2002 à l'été 2004, cette pratique a manifestement été rétablie de façon tout à fait exceptionnelle, sans que l'on sache exactement très bien pourquoi. Autre élément troublant, pendant ces deux années, l'enveloppe des primes ayant rapidement été jugée insuffisante, elle a été copieusement abondée par des fonds prélevés cette fois sur les frais d'enquête et de surveillance.
Des sommes destinées à l'origine à payer en sous-main des informateurs, à mettre en œuvre des moyens d'investigation discrets ou bien à couvrir des dépenses qui ne peuvent apparaître en toute transparence comptable. En tout, ce sont donc quelque 10 000 euros qui ont transité chaque mois vers le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, un certain Claude Guéant.
De nombreuses zones d’ombre
Chaque mois, de 2002 à l'été 2004, Claude Guéant a donc touché quelque 10 000 euros en sa qualité de directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy. Mais qui a décidé de rétablir pendant cette période place Beauvau les primes supprimées dans tous les autres ministères par Lionel Jospin ? Et pourquoi ces versements se sont-ils arrêtés au bout de deux ans ? Dans la mesure où cette dotation, rétablie de façon tout à fait exceptionnelle et obscure, n'était apparemment pas suffisante, elle a par ailleurs été largement abondée par des fonds puisés dans les frais d'enquête et de surveillance réservés aux policiers. Claude Guéant en a bénéficié, mais à quel titre et pour quels services rendus ? A-t-il partagé ce pécule ? Si oui, sur quels critères et avec qui exactement ?
Habituellement, cet argent discret sert à rétribuer les informateurs, à acheter du matériel d'investigation, parfois à payer les heures supplémentaires de policiers en surrégime. Comment se fait-il qu'il ait servi, et serve encore aujourd'hui, à gratifier certains collaborateurs de façon discrétionnaire ? Peut-on parler dans le cas de Claude Guéant d'enrichissement personnel, de concussion, de détournement de fonds publics ? Autant de questions qui ne vont pas manquer d'intéresser très vite la justice.
Colère et indignation des policiers
Le versement à Claude Guéant de ces primes choque, ce mardi 11 juin, une grande majorité de policiers. Plusieurs syndicats estiment même que Claude Guéant doit rembourser ces sommes. Dans un communiqué, le syndicat national FO-centrale, première organisation au ministère de l'Intérieur, « demande à Claude Guéant de rendre ces importantes sommes d'argent pour qu'elles soient redistribuées équitablement à tous les agents du ministère » qui « subissent depuis 2010 une baisse de leur pouvoir d'achat ».
Nicolas Comte, porte-parole d'Unité SGP Police, interrogé ce mardi sur RFI, est choqué.
« Ce qui me choque le plus, c’est que de l’argent liquide destiné à des missions de police puisse servir à rémunérer des hauts fonctionnaires » a-t-il déclaré.
La classe politique se saisit aussi de cette affaire. L'Assemblée nationale débattra jeudi 13 juin, à la demande des députés radicaux de gauche, des primes en liquide reçues par des membres de cabinets ministériels, telles celles dont a bénéficié Claude Guéant, entre 2002 et 2004.