« C’est un pilier du socialisme qui s’en va », a déclaré le ministre français des Affaires étrangères peu après avoir annoncé le décès de Pierre Mauroy. Laurent Fabius s’exprimait en marge de la visite d’Etat du président français François Hollande au Japon.
Pierre Mauroy est donc décédé ce vendredi 7 juin à l’âge de 84 ans. Homme politique français, il a marqué le mouvement socialiste hexagonal de son empreinte durant la deuxième moitié du XXe siècle. Il était surnommé affectueusement « Gros Quinquin » à Lille, dans ce Nord, dont il incarnait d'une certaine manière la culture et l'engagement politique, d'abord à la SFIO, l'ancêtre du parti socialiste, ensuite au PS refondé aux côtés de François Mitterrand dans les années 70. Pierre Mauroy fut d'ailleurs l'un des artisans de l'union de la gauche (socialistes, communistes, radicaux) victorieuse en mai 1981. C'est dans son gouvernement que les communistes participent à l'exercice du pouvoir, pour la première fois sous la Ve République.
« Changer la vie »
Et surtout, c'est sous le gouvernement de Pierre Mauroy que François Mitterrand a pu réaliser certaines de ses promesses de réformes sociales pour « changer la vie » des Français (le slogan mitterrandien de la présidentielle de 1981) : le passage aux 39 h de travail hebdomadaire, la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans, l'abolition de la peine de mort ou encore la libéralisation des médias.
François Mitterrand avait, certes, une vision politique, mais il était plutôt réticent à l’économie. Si la France est restée au sein du SME, le système monétaire européen, l’ancêtre de la zone euro, c’est grâce à Pierre Mauroy. Dès 1982, les déficits publics et la poursuite de l'inflation le poussent, à abandonner le « programme commun », pour assumer le tournant de la rigueur, incarné par le ministre des Finances de l’époque, Jacques Delors.
Mais surtout, Pierre Mauroy est l'artisan de grandes lois comme la décentralisation et les nationalisations. Des nationalisations qui vont toucher de nombreuses industries : Thomson, Saint-Gobain, Rhône-Poulenc, Usinor, ainsi que le secteur bancaire, avec notamment Paribas ou bien encore le Crédit du Nord. En 1983, en France, un salarié sur quatre travaille dans le secteur public.
Et c'est notamment pour ce bilan extrêmement riche à la tête du premier gouvernement de François Mitterrand que Pierre Mauroy est, depuis des années, une figure importante dans la mémoire collective des socialistes. Un authentique homme de gauche, très respecté. « Un pilier du socialisme démocratique », selon Laurent Fabius, qui lui a succédé à Matignon, en 1984, après le tournant de la rigueur. Pierre Mauroy abandonne la mairie de Lille en 2001, au profit de Martine Aubry. La maire de Lille, Martine Aubry, s'est exprimée dans la matinée pour saluer le « maire d’exception » qu'a été Pierre Mauroy pendant 28 ans. Elle a salué l'« homme politique hors norme dont l'action a tant marqué l'histoire de notre République ». Elle a ajouté qu'il avait « modernisé depuis Matignon, la France et la société en engageant le pays dans une nouvelle ère de progrès social ». Pierre Mauroy avait été opéré d'une tumeur cancéreuse au poumon en avril 2012.