«Le petit livre de la tchatche» ou la nouvelle vie des mots en France

Qu’on les trouve bizarres ou hermétiques, ils sont là et bien là. Les mots de la banlieue et des cités ont été amoureusement cueillis par Vincent Mongaillard et décodés pour les néophytes que nous sommes. Avec Le petit livre de la tchatche, plus de mystère. Le sel des expressions venues du bled, le nouchi (argot de rue ivoirien), l’argot des arsouilles parisiens nous sont dévoilés. De quoi faire crari en somme, ou si on préfère, se donner un genre.

C’est un décodeur de l’argot des cités. Le genre de petit bouquin à avoir dans la poche pour saisir au vol les mots de ceux qui ont la tchatche, du bagou. Adeptes de la « branchitude », les jeunes de banlieue se montrent avant tout créatifs et souvent poètes. Leur langue, popularisée par le rap notamment, prend des courbes et des couleurs là où la rectitude ne suffit plus. La ligne droite ne convient pas toujours aux poètes… 

Nées dans les quartiers populaires, il y a belle lurette que les trouvailles des cités se sont faufilées jusqu’aux beaux quartiers. C’est ainsi que le fameux « kiffer » pour aimer, a pris racine, la langue du bled venant engrosser celle de Molière. Une belle occasion de s’« enjailler »comme le chante le rappeur La Fouine, ou si on préfère, de se faire plaisir, de s’amuser, comme disent les Ivoiriens qui pratiquent le nouchi, l’argot local.

Le petit ouvrage de Vincent Mongaillard n’est pas sectaire en ce sens qu’il puise dans  les argots de toutes origines et de toutes les époques en un joyeux mélange roboratif. Si vous voulez vous faire un « max de lovés », beaucoup d’argent, de blé, de caramel, de biffetons et ainsi éviter la « hass », la galère, la misère, mieux vaut « faire ses bails », ses affaires, ses dièzes, en faisant « belek », attention de ne pas avoir affaire avec les « condés », les policiers.

Franchir le périphérique

Le parler « wesh-wesh », la langue des jeunes de banlieue est, comme tous les argots, frappée au coin de la mode et donc susceptible de disparaître aussi vite qu’elle surgit. Mais à la différence du siècle dernier, les expressions qui sont créées dans les cités en franchissent rapidement les limites grâce à internet, aux réseaux sociaux, aux chansons… Survivra, ne survivra pas, l’avenir dira ceux qui parmi les dizaines de mots qui font le lustre de la « tchatche » traverseront le temps.

On voit déjà au fil des ans des mots qui s’incrustent dans le langage courant. C’est le cas de meuf, de mec, de taf qui se substituent de plus en plus fréquemment aux classiques femme, homme, travail. Le délicat « pété de tunes », pour dire riche, a lui aussi pris sa place dans le langage familier comme le bref « mytho » l’a fait avec le brutal menteur.

En bon observateur de la banlieue, Vincent Mongaillard mise sur quelques expressions qui ont, selon lui, toutes les chances de franchir le périphérique pour s’imposer plus largement. C’est le cas de « avoir le seum » pour avoir la haine, ou « la go » pour la fille en bambara. Originaire de Côte d’Ivoire le « ya dra », ennui, problème semble promis à un bel avenir tout comme le « boucantier », le frimeur en nouchi. 

A l’inverse, tous les mots qui reposent sur le verlan sont en recul. Le babtou (toubab) des Sénégalais pour désigner le Blanc ou le « guedin » de dingue ne devraient pas passer la décennie. Pas plus que « bouffon », minable, ou « cassos » pour partir, ou le définitif « être sapé comme un sonac » que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître puisqu’il fait référence aux foyers Sonacotra où logent les travailleurs les plus modestes, rebaptisés depuis Adoma. 

Le petit livre de la tchatche, de Vincent Mongaillard. First Editions, 2,99 euros.

 

 

  

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