Affaire Cahuzac: entre volonté de transparence et rumeurs de remaniement

La décision est tombée mardi : Jérôme Cahuzac n'est plus membre du Parti socialiste. Son exclusion a été votée à l'unanimité par le bureau national du PS. Une semaine après les aveux de l'ancien ministre du Budget, l'exécutif prépare un texte sur la moralisation de la vie politique et les ministres sont sommés de publier leur déclaration de patrimoine. Mais des élus de droite et de gauche vont plus loin et demandent un important remaniement ministériel.

Sonnés et en colère la semaine dernière, les députés de la majorité ont aujourd'hui envie de tourner la page. « Il y a eu l’abattement, il y a eu la déception, il y a eu le coup au moral », explique Yann Galut, député socialiste du Cher. « Nous sommes huit jours après, maintenant il faut réagir, on ne va pas passer notre temps à se lamenter. Il faut se saisir de cette opportunité pour faire des propositions concrètes, solides et crédibles ».

Une proposition concrète, Yann Galut en a fait une, mardi, pour lutter activement contre l’évasion fiscale : il souhaite instaurer un délit de fraude fiscale en bande organisée. L’élu socialiste a déposé une proposition de loi en ce sens. Le groupe écologiste a, de son côté, déposé trois propositions sur la transparence de la vie politique et les conflits d’intérêts. « On dépose également une proposition de loi qui demande à ce qu’on fasse en France ce qui existe aux Etats-Unis, la fameuse loi Fatca », explique Barbara Pompili, la coprésidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale. « Cette loi oblige les banques étrangères à dire à l’Etat qu’ils ont des comptes de ressortissants de l’Etat. C’est-à-dire à l’Etat français qu’ils ont des comptes de ressortissants français chez eux sous peine de grosses amendes. Cela permettrait d’arrêter l’exil fiscal tel qu’il existe aujourd’hui ».

L’exécutif est également à la manœuvre sur ces dossiers. Un projet de loi sur la moralisation de la vie politique est en préparation. Il sera présenté le 24 avril prochain en Conseil des ministres, et fera l'objet ce mercredi matin d'une communication là aussi en Conseil des ministres. Ce projet devrait notamment s'inspirer des conclusions du rapport Sauvé sur les conflits d’intérêts, rapport demandé par Nicolas Sarkozy, sans pour autant être utilisé par la précédente majorité.

Avant cela, d'ici le 15 avril, tous les ministres devront publier leur déclaration de patrimoine. Le projet de loi pourrait décider d’étendre la mesure à l’ensemble des parlementaires, ce qui fait grincer des dents à droite, mais aussi à gauche. « On ne va pas non plus se balader tout nu pour donner gage de notre bonne foi, lance un brin irrité Razzy Hammadi, député socialiste de Seine-Saint-Denis. Moi, j’ai rendu mon patrimoine public, assez rapidement d’ailleurs. Deuxième chose : dès le lendemain de mon élection, j’ai expliqué comment j’allais utiliser ma réserve parlementaire et mon indemnité de représentation. Maintenant ça suffit voilà, maintenant stop ! »

« L'administration a été instrumentalisée »

Trop de transparence pourrait avoir des effets pervers, estime, de son côté, le député UMP Philippe Gosselin. « Nous sommes dans un rapport très ambigu au patrimoine et à l’argent dans ce pays », juge l’élu. « On a des députés qui arrivent en moyenne à 55 ans dans la vie parlementaire, donc qui ont forcément une vie professionnelle passée, forcément eu l’occasion, pour un certain nombre d’entre eux en tout cas, d’accumuler un petit peu de patrimoine, et on va jeter ça d’une certaine façon en pâture, considérant que c’est malsain et malhonnête. Je trouve qu’on marche sur la tête ! »

L’opposition apparaît plus que réservé sur ce projet de moralisation de la vie politique. A ses yeux, la seule solution pour que le président restaure la confiance avec les Français, c’est un remaniement ministériel. Nombreux sont les élus du parti conservateur à réclamer la tête du ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, mais également celle du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Pour la droite, pas de doute : « L'administration a été instrumentalisée », expliquent-ils. François Hollande doit donc, selon eux, changer de gouvernement.

« Il doit remanier le gouvernement, il doit changer de Premier ministre », avance Gérald Darmanin, député UMP du Nord. « Il doit permettre à M. Valls, à M. Moscovici, à Mme Taubira - ceux qui ont eu connaissance, bien évidemment, sinon c’est une grande question qui doit se poser sur la façon dont est géré l’Etat - de l’affaire Cahuzac, de faire autre chose de leur vie. Et de permettre ainsi à d’autres députés, notamment des jeunes députés socialistes - qui ont sans doute encore une conscience de gauche - de gérer les affaires du pays conformément à la volonté du peuple. »

Un remaniement « obligatoire »

Sur cette question du remaniement qu’en dit-on à gauche ? « Cela se fera obligatoirement », juge - en off - un élu socialiste très en vue. Il est persuadé qu’un changement de gouvernement interviendra d’ici la fin du mois. Un remaniement qui pourrait-être selon ses dires « assez lourd ». En attendant, plus qu’un remaniement, c’est un changement de méthode que réclament de plus en plus d’élus au sein du Parti socialiste. « Il faut sans doute imprimer aux réformes un rythme plus dense, plus intense », estime Christian Paul, représentant de l’aile gauche du PS. « Ce n’est pas un changement de cap radical, c’est mettre plus de fermeté, de vigueur dans les réformes qui sont engagées. Je pense qu’on doit encore trouver le rythme. Nous avons ouvert beaucoup de chantiers mais probablement terminé aucun, et c’est ce qui est maintenant urgent. »

Assez critiques par rapport à la ligne suivie par l’exécutif, ces élus devraient se faire entendre samedi lors du prochain conseil national du PS. Déjà, certains membres du gouvernement commencent à émettre des réserves quant à la ligne suivie sur le plan économique. C’est le cas d’Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, mais aussi de Benoît Hamon, le ministre délégué chargé de l’Economie sociale et solidaire et de la Consommation. Ce dernier dénonce ce mercredi, dans Le Parisien, « l'austérité qui conduit à une France low cost. »

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