Le rapport annuel du contrôleur des lieux de privation de liberté rendu public ce lundi insiste sur la protection des populations les plus fragiles.
Malades et enfants : leur place n'est pas en prison !
Le contrôleur des prisons pose ainsi la question de l'enfermement des malades et des enfants. Par exemple, pour les personnes âgées ou invalides, il préconise la peine en milieu ouvert, qui serait « plus respectueuse de la dignité humaine ». Par conséquent, il recommande que le législateur modifie le code de procédure pénale pour y introduire « une demande de suspension de peine pour raison médicale ».
Le contrôleur consacre aussi un chapitre de son rapport aux enfants. Leur enfermement, notamment en rétention, est inadmissible, juge-t-il. Il revendique également une suspension de la peine pour les femmes qui accouchent, afin que les bébés ne passent pas les premiers mois de leur vie en prison.
Le parcours chaotique des jeunes délinquants
La détention des jeunes délinquants, note le contrôleur, peut sembler régler « momentanément » un problème de sécurité, mais ne peut en aucun cas être une réponse durable à l'errance sociale.
Jean-Marie Delarue n'est toutefois pas hostile aux Centres éducatifs fermés (CEF), dont François Hollande a prévu de doubler le nombre. Le bilan de ces CEF est cependant contrasté, selon lui. Il faut prendre exemple sur les meilleurs, juge le contrôleur, qui souligne l’importance de projets pédagogiques en leur sein.
Jean-Marie Delarue attire l’attention sur le fait que le parcours de ces jeunes est très souvent chaotique. Au fur et à mesure des rébellions et larcins, ils sont envoyés de foyer éducatif en centre éducatif renforcé, et si les méfaits se poursuivent, ils sont placés en CEF, voire dans un établissement pénitentiaire pour mineurs.
« A chacune des étapes », souligne le rapport, « force est de constater que l’enfant est confronté à des personnes différentes, à des pédagogies distinctes, éventuellement à des appréciations changeantes sur sa personnalités et son comportement. » D’où la revendication du contrôleur d’accorder une place centrale à l’éducation, qui « doit rester le fil conducteur dans la prise en charge des enfants enfermés ».
Etablissements pour personnes âgées dépendantes
Pour la première fois, Jean-Marie Delarue évoque la possibilité de visiter également les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD : « Il y a des risques de maltraitance. Nous pensons que nous avons fait la preuve depuis cinq ans que nous sommes expérimentés dans les visites des lieux et dans les dialogues avec le personnel et que nous pouvons apporter quelque chose pour diminuer les risques de maltraitance dans ces établissements pour personnes âgées dépendantes qui sont de fait privées de leur liberté. »
Jean-Marie Delarue a précisé avoir déposé un avant-projet de loi en mai 2012 auprès de Matignon, afin que sa compétence soit étendue aux EHPAD: « Nous sommes toujours dans l'attente d'une réponse », et attendre trop longtemps « me chatouillerait un peu sur le terrain de mon indépendance ».
La rétention des étrangers en situation irrégulière
Le contrôleur critique la durée maximum de rétention des étrangers en situation irrégulière, qu'il veut voir ramenée à 32 jours, au lieu des 45 jours décidés en 2011. Selon Jean-Marie Delarue, 15 jours de plus ne font que couper encore un peu plus une personne de son travail si elle en a un.
Internet en prison
Jean-Marie Delarue réitère sa demande d'introduire internet en prison. Il appelle de ses vœux un geste fort de l’actuel gouvernement, à l’instar de celui de Robert Badinter, qui avait fait entrer la télévision dans les établissements pénitentiaires à la fin de l'année 1985, lorsqu’il était garde des Sceaux. L'introduction de la télévision avait suscité jadis de fortes critiques, mais aujourd'hui, elle fait l'unanimité, aussi bien auprès des détenus que des surveillants.
Pour le contrôleur, internet devrait suivre le même chemin : « Internet est un outil pour trouver un logement et un travail, insiste-t-il, et par conséquent il faut mettre internet en prison, pourvu naturellement que l’usage en soit contrôlé ! Bien sûr, il ne faut pas qu’on puisse accéder aux sites de fabrication des armes. »
La fin du « tout carcéral »
Jean-Marie Delarue a enfin salué certaines préconisations de la « conférence de consensus », censées inspirer d'ici à l'été un projet de loi de politique pénale en rupture avec le « tout carcéral ».
« Il faut que nos compatriotes s'habituent à l'idée qu'il y a des sanctions pénales exemplaires, qui peuvent ne pas être des peines de prison », conclut notamment le contrôleur des prisons dans son rapport.