France: quand la fièvre chevaline s'empare du Salon de l'agriculture

Le Salon de l'agriculture a ouvert ses portes à Paris pour huit jours, samedi matin 23 février. Dans les allées du parc des expositions, comme chaque année, les enfants étaient ravis devant cette ferme géante. Du côté des plus grands, en revanche, le récent scandale des plats cuisinés à la viande de cheval faussement estampilllée « viande de bœuf », était au bout de toutes les langues. Le président français François Hollande, venu inaugurer l'événement, en a profité pour rassurer. Reportage.

Entre les stands, il est à peine plus de 9 heures, mais les visiteurs sont déjà serrés comme les moutons dans leur enclos. Le Salon de l'agriculture, qui se tient au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, attend 700 000 curieux d'ici au 3 mars prochain.

Les 4 000 bêtes, elles, sont déjà là. Pour son cinquantenaire, le salon avait choisi de ne pas avoir de thème particulier. Las ! L'actualité s'est chargée de lui en donner un. Difficile ici, en effet, de ne pas évoquer ce qu'on appelle désormais « le scandale de la viande de cheval », ces plats surgelés censés être au bœuf et dans lesquels on a retrouvé de la viande chevaline. 

« Je suis venu délivrer un message de confiance dans l'agriculture française », n'a d'ailleurs pas manqué de déclarer François Hollande, samedi, alors qu'il était là pour inaugurer l'édition. Et le président français de prôner un « étiquetage obligatoire sur les viandes qui sont insérées, introduites dans les produits cuisinés ».

« Ce scandale peut avoir un effet positif pour nous »

Auprès des visiteurs en tout cas, les bovins ont toujours la cote. Chacun s'extasie sur la taille des bestiaux et y va de son imitation de meuglement. « On vit en ville, alors le salon c'est très bien pour faire découvrir les animaux aux enfants, leur montrer les différentes races, explique le père de Romain, six ans, bien que le petit garçon concède quand même une préférence pour les pandas et les lapins. Sa sœur Morgane, elle, ne songe qu'à aller voir les chevaux. Mais dans le pavillon 3 consacré aux bovins, nul cheval à l'horizon, a priori...

Pour sa « première fois au salon », Didier, un éleveur de l'Allier « né dans le foin » comme il dit lui-même, a revêtu chemise blanche et cravate. Son taureau charolais de compétition s'appelle Espoir. « Et j'ai espoir d'être champion ! » plaisante-t-il. Didier a repéré et acheté Espoir alors qu'il n'avait que neuf mois. Aujourd'hui, il a quatre ans, pèse 1 550 kg. On peut donc se risquer à dire qu'il a misé sur le bon cheval. « Etre ici, c'est l'aboutissement d'années de travail », confie l'éleveur, avant que son collègue le coupe : « Ce qu'il oublie de dire, c'est qu'en réalité il est dans le cheval ! »

Didier rit de bon coeur. C'est la blague à la mode de cette édition 2013. « Pour nous qui avons toujours travaillé sur la qualité, ce scandale avec les plats cuisinés peut avoir un effet positif, souligne Didier. Mais il faut que les gens sachent comment ça se passe : nous, lorsqu'on fait naître des veaux, on est soumis à tout un tas de contrôles, la traçabilité est totalement assurée. Par contre, après l'abattoir, plus rien ! C'est ça le problème. »

Deux rangées plus loin, couchée sur la croupe d'une de ses vaches Prim'Holstein, Justine, 23 ans mais déjà une habituée du salon, est moins optimiste. « Cette affaire aura forcément un impact sur la filière, selon elle. Déjà que c'est difficile... Les consommateurs vont avoir de moins en moins confiance. »

Steak de cheval à la carte

Dans le pavillon consacré au monde équin, la foule se presse pour voir le concours de dressage de chevaux de trait. Et là, à l'heure du déjeuner, plus question pour les amoureux du cheval de voir dans ces bêtes majestueuses des steaks potentiels. « Ah non, moi je ne mange pas là ! Jamais, je ne mangerai du cheval ! , s'offusque une dame devant la carte du seul restaurant du pavillon. Au menu, entre autres, rôti et steack de cheval.

« Ce sont les organisateurs qui nous obligent à en mettre à la carte, regrette un serveur, l'air très embarrassé. Mais on n'en a pas encore vendu un seul ! » Au Salon, le cheval dans l'assiette ne fait pas recette. Au contraire, analyse le serveur : « Quand les gens voient qu'il y a du cheval à la carte, ils se sentent trahis ». Et ils tournent les sabots. 

Nicolas tient un stand de produits cosmétiques au lait de jument et d'ânesse. Manger du cheval, lui, ça ne le choque pas : « C'est bon et c'est quatre fois moins cher que du boeuf », explique-t-il. Selon lui, il y a une espèce de « tabou » en France. Car si on enlève les œillères, il faut se rendre à l'évidence : « En fin de vie, beaucoup de chevaux finissent à l'abattoir ». 

Au pavillon où logent les cochons, on a moins de scrupules. Accoudés aux enclos où somnolent des truies grassouillettes, les badauds mangent sans vergogne leur sandwich au jambon. Tandis que les saucissons pendent en grappes à quelques mètres de là. Une dame de confession musulmane rit : son petit-fils de sept ans tient asolument à se faire prendre en photo en compagnie de cochons. « On a tout fait : les vaches, les moutons, les chevaux. Mais non, c'est les cochons qu'il veut ! », s'amuse-t-elle.

 

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