France : «Moi aussi, j'ai été violée...»

En avril 1971, le Nouvel Observateur faisait scandale en publiant le « Manifeste des 343 salopes », dans lequel des centaines de femmes reconnaissaient avoir bravé la loi pour avorter. Plus de quarante ans plus tard, dans un autre manifeste publié par le Nouvel Observateur à l'initiative de Clémentine Autain, 313 femmes de tous horizons déclarent avoir été violées et interpellent les pouvoirs publics.

« J'ai été violée. » Rares sont les femmes et les jeunes filles qui osent prononcer ces quelques mots. Pourtant, plus de 75 000 femmes sont concernées chaque année, et presque autant d'enfants. Soit un viol toutes les huit minutes. Une femme sur dix connaîtra ce drame au cours de sa vie. Voilà pour les statistiques, tout en sachant que ces chiffres doivent être pris avec beaucoup de recul. La plupart des viols restent en effet cachés, secrets, ignorés des autorités.

Pourquoi les femmes ne parlent-elles pas ? Sans doute parce que dans 80 % des cas, et contrairement aux idées reçues, l'agresseur est un proche : un cousin, un oncle, un voisin, un ami, un collègue, un patron, voire un mari... Parce que porter plainte signifie déclencher une longue procédure d'enquête, sans garantie d'aboutir, avec l'obligation de subir des interrogatoires et des examens éprouvants... Parce que dire qu'on a été violée change à jamais le regard des autres sur soi...

Lever le voile sur ce tabou

Avec ce manifeste du Nouvel Obervateur, pour la première fois en France, des centaines de femmes osent lever un tabou et dire qu'elles ont vécu cette horreur. Elles donnent leur nom, leur prénom, leur profession, leur âge. Certaines, très connues du grand public, révèlent ce qu'elles ont tu pendant des années, comme l'écrivain Frédérique Hébrard, violée par un détenu évadé de prison il y a quarante ans... Isabelle Demongeot, la championne de tennis, violée à de multiples reprises par son entraîneur pendant son adolescence... Marie-Laure de Villepin, violée par un inconnu dans un ascenseur, à l'âge de dix-douze ans...

A l'origine de ce texte, fait pour bousculer les consciences et réveiller notre société endormie sur ses certitudes, on trouve Clémentine Autain, féministe et militante de la gauche radicale, elle aussi violée quand elle était étudiante. « Après l'affaire DSK, des femmes ont osé parler. Le voile s'est un peu levé. Je ne voulais pas qu'il retombe. Il faut en finir avec l'hypocrisie des images d'Epinal. Le viol est un fait social qu'il faut maintenant prendre à bras-le-corps », affirme-t-elle.

Au regard de la loi, le viol est un crime mais la justice n'est saisie que d'environ 10 % des cas. Les autres affaires lui échappent ou sont requalifiées en simples délits. Du coup, 1 à 2 % seulement des auteurs poursuivis sont condamnés aux assises... Comme le disent toutes celles qui ont osé témoigner : il est grand temps « que la honte change de camp ! ».

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