Brad Pitt, c'est «Cogan»

Une Amérique obsédée par l’argent et le sexe fait, ce mercredi 5 décembre, son entrée dans les salles de cinéma en France. Dans son troisième film, le réalisateur australien Andrew Dominik nous raconte une vision de l’Amérique sans concession. Cogan, la mort en douce, un drame policier sans surprise et sans questions à se poser… mais avec Brad Pitt. Un film au service d’un seul homme qui signe d’ailleurs en tant que coproducteur.

Jackie Cogan (Brad Pitt) entre en scène au volant d’une voiture, avec des lunettes de soleil, accompagné d’un trait mystérieux et de la chanson de Johnny Cash qui annonce l’ange de la mort : The Man Comes Around. A la radio on assiste au duel Barack Obama contre George W. Bush, en pleine crise économique. Ils parlent de la sécurité financière et du système financier qui a besoin de confiance.

Jackie est un mec attirant, doté d’un sang-froid impressionnant, d’un regard glacé et du cynisme qui va avec. Sensible avec soi-même, il préfère tuer les gens d’une manière « délicate », la mort en douce. Au moment où il reçoit sa commande pour le prochain meurtre, Barack Obama promet à la télé « Nous sommes tournés vers l’avenir, pour faire briller la responsabilité. »

La petite et la grande histoire

Le réalisateur américain a de l’ambition. Il ne rate aucune occasion pour intégrer la petite histoire dans la grande. Les scènes dans les voitures et les bars sont truffées des discours en voix off d’Obama et Bush. A l’occasion de la présidentielle en 2008, Obama déclare qu’on peut « faire de nos vies ce que nous voulons ».

Jackie doit trouver les coupables qui ont braqué un tripot. Depuis, toutes les parties de poker illégales ont été arrêtées, par précaution. « Ce qui est important ce n’est pas ce que tu as fait, mais ce que les autres pensent que tu as fait », explique Jackie. Pour lui, il vaut mieux tuer un suspect innocent pour reprendre au plus vite les affaires que de se lancer dans une longue et coûteuse recherche du véritable coupable. Bien sûr, à la radio, au même moment, on discute de la question de la guerre précipitée contre l’Irak…

Le sexe, l'argent et le pouvoir

Andrew Dominik montre une vision sans concession d’une Amérique bouleversée par la crise économique. L’histoire se déroule dans l’Etat de La Nouvelle-Orléans avec ses panneaux de saisies immobilières et des gens fauchés prêts à tout. Et bien sûr, les plus méchants sont les plus susceptibles, pleurant sur leur sort.
 

L’histoire a tous les ingrédients d’un bon polar, mais n’arrive pas à se dépasser. Pendant une heure et demie, et sans provoquer un effet notable, le réalisateur bute toujours sur les mêmes écueils : le sexe, l’argent et le pouvoir, raconté d’une manière plate et banale. Tout le film, on pourrait le résumer avec la phrase de la fin : « L’Amérique n’est pas un pays, c’est une entreprise ». En l’occurrence un film où l’on passe par tous les plans standards du polar policier : Les feux arrières d’une voiture qui se perd dans la nuit. La cigarette qui enfume la pensée. Le toxicomane qui se pique. La victime tabassée qui s’écroule dans une flaque de sang. Le traître qui est tué à son tour. Le tout emballé dans un discours de Barack Obama qui déclare à la télé : « La vraie puissance de notre pays, ce ne sont pas des armes et de l’argent». 

La crise affecte aussi le milieu des voyous, avec la baisse de prix pour les tueurs à gages, obligés de voyager en classe économique. Au même moment, Obama loue l’esprit d’entreprise de l’Amérique et promet de protéger l’économie américaine. Tout ça n’est pas très crédible, même si Andrew Dominik s’est inspiré d’un roman : L’art et la manière, de George V. Higgins.

L'Amérique restera toujours l'Amérique

Mais le film est comme une très belle bagnole qui ne démarre pas. Même la scène en mode super ralenti -où la balle sort du flingue comme une mouche qui cherche la merde avant de traverser la tête - n’atteint pas sa cible. Le tueur tire, la tête éclate, mais à l’écran on se perd dans des images floues et ringardes qui illustrent une histoire déjà mille fois racontée. La chanson Money (That’s What I Want) nous rassure que l’Amérique restera toujours l’Amérique. Néanmoins, « niquer les autres » et « baiser les putes », pour reprendre le jargon employé dans le polar, est un scénario un peu basique, mais – pour rester dans la logique du film – probablement suffisant pour faire du fric.

Si vous voulez voir Brad Pitt, courez-y ! C’est une prestation sans faute. Si vous voulez regarder un très bon film, allez voir ailleurs !

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