L'histoire est incroyable mais vraie. Celle de quatre jeunes chanteuses aborigènes qui forment un groupe de soul et gagnent un concours pour aller chanter devant les troupes américaines au Vietnam en 1968.
Une histoire insolite, découverte par hasard par le fils de l'une d'elle, Tony Briggs, et dont il tira une comédie musicale en 2004. Wayne Blair, le réalisateur, joua dans cette comédie musicale à succès et décida ensuite d'en faire un film. « Je me souviens, j’étais avec Tony chez sa mère à Sidney, raconte Wayne Blair. Nous discutions dans la cuisine et lui parlait du loyer, des factures d’électricité et enchaîne en disant : " Cela me rappelle quand nous chantions au Vietnam devant les troupes américaines ". Tony était juste au bon endroit, au bon moment. Il a écrit une synopsis, il a pu produire le spectacle qui s’est joué à guichet fermé. »
De plus en plus de films aborigènes
On suit donc les aventures des trois sœurs Gail, Julie et Cynthia et de leur cousine métisse Kay, ainsi que de leur manager irlandais. Les histoires d'amour sont plutôt convenues, et la forme très classique, mais le film est joyeux et dynamique. Il tranche avec la représentation souvent misérabiliste des communautés aborigènes au cinéma. Deborah Mailman joue Gail, la sœur aînée, et Miranda Tapsell sa soeur Cynthia. « Depuis cinq ou dix ans, on voit de plus en plus de films sur les aborigènes, réalisés par des aborigènes. Ce n’était pas le cas avant. Par le passé, on a vu beaucoup de films sur toutes les difficultés que les aborigènes doivent affronter. C’était important de montrer cette réalité, mais pour moi, aborigène, quand je voyais ces films, je me demandais si c’est ce qui m’allait arriver. Quand je vois Les Saphirs, je reprends espoir et je me dis que les difficultés ne vont pas m’arrêter. »
« Toutes les figures du mouvement noir américain se rendaient en Australie »
Et de la lutte pour l'égalité des droits, il en est question dans ce film. Car le réalisateur Wayne Blair montre comment, dans les années 1960 en Australie, les aborigènes ont pu s'inspirer du mouvement des droits civiques des Noirs américains. « Dans les années 1960, toutes les figures du mouvement noir américain qui se rendaient en Australie, voulaient rencontrer des représentants de la communauté aborigène. Le joueur de tennis, Arthur Ashe, y est allé, les Jackson Five y ont été reçus par la famille de Tony. Du coup, il a voulu incorporé cette dimension dans son script. Cette conscience noire qui traverse les océans. »
Les Saphirs est donc un film à la fois musical et militant, un premier film remarqué lors du dernier festival de Cannes où il fut projeté hors compétition.