Acclamée, Mud, cette quête de l'amour vrai sur les bras flamboyants du Mississippi, filmée au ras des mangroves et des cœurs par le benjamin des réalisateurs en lice (33 ans), a relancé les paris qui donnaient déjà Amour de Michael Haneke et Au-delà des collines du Roumain Cristian Mungiu, deux cinéastes déjà palmés, comme valeurs sûres du palmarès 2012.
Toujours les mêmes ?
Dans le carré de tête si l'on en croit la rumeur publique et des professionnels, figurent aussi le retour de Leos Carax avec Holy Motors, De Rouille et d'Os de Jacques Audiard avec Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts (première impression forte du festival) et La Chasse du Danois Thomas Vinterberg (Festen). Thierry Frémaux, le délégué général du festival, s'est défendu aujourd’hui de privilégier « toujours les mêmes » réalisateurs en sélection. « Se plaint-on quand Rafaël Nadal gagne sept fois Roland Garros ? »
Michael Haneke qui fait l'unanimité avec Amour, par la pudeur et la force du propos et l'interprétation de ce vieux couple aimant en fin de parcours (Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva), est à Cannes pour la 10e fois. Le cinéaste autrichien a décroché la Palme d'Or en 2009 pour Ruban Blanc et le Grand prix en 2001 pour La Pianiste - qui remportait aussi les deux prix d'interprétation - il a même été à l'origine de la modification du règlement du festival pour éviter pareil cumul.
Quant à Mungiu et son histoire d'exorcisme dans les collines roumaines, il fut déjà Palme d'Or 2007 (4 mois, 3 semaines et deux jours); Audiard, Grand Prix 2010 pour Un Prophète ou David Cronenberg - qui divise cette année avec Cosmopolis (et Robert Pattinson en trader névrosé) -, Prix Spécial du Jury en 1996 pour Crash. Sans parler de Ken Loach, Prix du Jury 1990 et 1993 et Palme d'or 2006 (Le vent se lève), qui a fait rire la Croisette avec La Part des Anges et ses prolos sur les traces du plus vieux whisky du monde.
« Des oeuvres qui font débat »
M. Frémaux a par ailleurs défendu sa sélection, critiquée en début de semaine, expliquant que « la tradition de Cannes était de présenter des oeuvres qui font débat ». Ce qui fut le cas cette année avec le film mexicain de Carlos Reygadas Post Tenebras Lux, ou Paperboy de Lee Daniels (avec une pétulante Nicole Kidman en Barbie du Sud).
L'exercice était d'autant plus ardu cette année que 2011 reste considéré comme un cru exceptionnel, rappelle-t-il. Sans compter les nombreuses erreurs d'appréciation à chaud: « On peut aisément rappeler le nombre de films rejetés dans le passé par la presse cannoise, considérés ensuite comme des chefs-d'œuvre », relève-t-il.
Parmi les grands interprètes de cette cuvée, l'actrice autrichienne de Paradis, amour Margarethe Tiesel ou la petite Roumaine de Mungiu, Cosmina Stratan, pourraient chez les femmes disputer le prix à Marion Cotillard ou Kirsten Steart (Sur la Route) et Nicole Kidman.
Chez les hommes, le nom de Trintignant revient avec insistance, devant Mathias Schoenaerts, l'octogénaire japonais d'Abbas Kiarostami, Tadashi Okuno dans Like someone in love ou encore Denis Lavant pour son rôle dans Holy Motors (Léos Carax). Et pourquoi pas le garçon de Mud, Tye Sheridan, repéré par Jeff Nichols chez Terrence Mallick l'an passé, Palme d'or pour Tree of Life.
Le choix du jury
Reste l'inconnue absolue à ce stade: le choix du jury, retranché du monde. Le réalisateur italien Nanni Moretti qui le préside passe pour dirigiste et affirmé dans ses choix. Mais son équipe, qui compte notamment Ewan Mc Gregor, Emmanuelle Devos, Jean-Paul Gaultier, Alexander Payne, assure que l'ambiance est au beau fixe. « Il y a des discussions comme partout mais on rit beaucoup », a déclaré vendredi sur les marches l'actrice palestinienne Hiam Abbass.