« Policiers en colère, y en a marre de la galère ! ». C'est le cri de rassemblement ce vendredi 11 mai après-midi, place Saint-Michel à Paris, des membres du syndicat Alliance, proche de l'ancien pouvoir.
Christophe travaille à la Brigade anti-criminalité depuis onze ans. Il n'en peut plus de la politique du chiffre, des chefaillons qui comptabilisent les interpellations, de la dégradation des conditions de travail. Il a aussi été révolté par la mise en examen d'un collègue, en avril dernier, pour homicide volontaire (le policier avait abattu un multirécidiviste en fuite, à Noisy-le-Sec, NDLR) et il milite pour une présomption de légitime défense : « On est des pères et des mères de famille. On a tous des crédits sur le dos. Si par malheur on est mis en cause, on n'a plus rien : ni salaire, ni possibilité de travailler. On veut avoir le même traitement que les gendarmes et que le Code de la défense soit modifié ».
Actions « spontanées »?
La veille, Laétitia, brigadier-chef en banlieue parisienne, manifestait sur la place du Châtelet avec ses copains du syndicat Unité SGP-FO. Eux, ils ne veulent pas de cette présomption de légitime défense qui sent le souffre. Avancée par le candidat Nicolas Sarkozy en pleine campagne pour faire sensation, l'idée appartenait en fait déjà au programme de Marine Le Pen, qui s'est ouvertement moquée de cette récupération inattendue. Casquette vissée sur la tête, insigne accroché fièrement à la poitrine, Laétitia, qui est fille et petite-fille de policiers, « veut juste bien faire son boulot, avec coeur ». Elle est dégoûtée de voir constamment écornée l'image de la police. Une police éreintée par la RGPP, la fameuse révision générale des politiques publiques, qui aurait supprimé 12 000 postes selon son syndicat.
N'était cette question de la présomption de légitime défense, et si leurs syndicats respectifs avaient accepté de faire cause commune, Christophe et Laétitia auraient tout aussi bien pu manifester ensemble. Indépendamment de leur sensibilité politique, leur ras-le-bol est en effet strictement le même. D'ailleurs, rien ne dit qu'ils ne se sont pas déjà retrouvés dans la rue côte à côte sans le savoir. Christophe confie en effet qu'il participe aussi, en dehors de son syndicat officiel, aux actions spontanées qui se multiplient ces derniers temps. Un SMS, un message sur Facebook, un mail envoyé aux amis, et les policiers de la base se retrouvent ex prompto à descendre les Champs-Elysées ou à bloquer la Porte Maillot un vendredi de départ en week-end.
Ces mouvements d'humeur sont bien sûr une façon d'alerter les autorités, mais aussi un moyen indirect de rappeler à l'ordre les responsables syndicaux actuels. « Planqués dans les bureaux depuis les lustres, ils ont perdu l'habitude du terrain et sont englués dans les guerres de chapelle! ». Attention cependant aux risques de manipulation : les SMS ne sont pas signés et certains redoutent visiblement une instrumentalisation venue de la droite de la droite, voire des débordements. Des flics en tenue et en voitures de service qui défilent sans autorisation, c'est en tout cas du jamais vu dans l'histoire de la police nationale !