Naufrage de l'Erika : les parties civiles retiennent leur souffle

C'est le 24 mai prochain que la Cour de cassation se prononcera définitivement sur la responsabilité pénale de Total. En mars 2010, le groupe pétrolier s'était vu obligé de verser une amende de 375 000 euros pour « imprudence dans la mise en oeuvre de la sélection du navire ». Une décision que Total avait choisi de contester en cassation. 

Erika, un joli prénom... mais surtout l'abominable souvenir d'une marée noire sans précédent. Qui, en France, a oublié les dizaines de milliers d'oiseaux englués dans le fioul, les 400 kilomètres de côtes souillées en décembre 1999, les appels au secours des habitants et des associations de défense de l'environnement ? Voici pourtant qu'un nouveau cauchemar, juridique cette fois-ci, se profile à l'horizon.

Saisie depuis longtemps par le groupe pétrolier Total, qui contestait sa condamnation au pénal, la Cour de cassation devra en effet trancher dans ce dossier le 24 mai prochain. Si elle décide de suivre les préconisations de l'avocat général, la plus haute juridiction nationale risque bien, douze ans après les faits, de raviver des plaies encore mal cicatrisées.

Le « préjudice écologique », un argument non retenu par l'avocat général

Dans ses conclusions écrites transmises aux parties civiles, l'avocat général, maître Boccon-Gibod considère qu'au moment de son naufrage l'Erika était un « navire étranger se trouvant dans une zone économique exclusive », autrement dit en dehors des eaux territoriales françaises. Par ailleurs, il ne reprend pas à son compte l'argument de « préjudice écologique », pourtant décisif dans ce dossier.

De fait, cette toute nouvelle notion de droit avait émergé juste après la catastrophe de l'Erika et aurait dû faire jurisprudence à l'avenir en matière d'atteinte à l'environnement. L'évacuer à ce niveau du judiciaire, c'est comme l'anéantir définitivement.

La partie civile fébrile

Certes, la Cour de cassation n'est pas obligée de suivre l'avis du parquet général mais un autre document va dans le même sens, le rapport préparatoire au débat contradictoire. Du coup, c'est l'affolement dans les rangs des parties civiles et les 80 avocats défendant les départements, les régions ainsi que les associations affûtent avec fébrilité leurs arguments pour inverser la tendance.

Dans un premier temps, ils devraient rappeler que ce sont bien les côtes françaises qui ont été sinistrées, ce qui ouvre droit à réparation, selon eux, pour leurs habitants.

Ils devraient aussi prouver que de 1999 à 2012, le droit maritime a considérablement évolué et qu'il n'est plus possible aujourd'hui de raisonner stricto sensu sur la base de textes désormais périmés.

Enfin, ils devraient souligner qu'une annulation de la procédure précédente équivaudrait à un blanc-seing, un permis de polluer en toute impunité accordé aux grands groupes pétroliers et aux armateurs peu scrupuleux.

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